Les manifestations extra intestinales (MEI) sont fréquentes au cours des maladies inflammatoires chroniques intestinales (MICI) et concernent environ un tiers des malades. Par conséquent, elles interviennent dans le choix du traitement.
Les MEI peuvent atteindre plusieurs localisations : la peau, les yeux, les articulations, le foie, les voies biliaires, la coagulation du sang etc. Leur retentissement est majeur sur la qualité de vie du patient et elles restent difficile à prendre en charge.
Les recommandations de l'ECCO(1) dédiées à la prise en charge des MEI liées à la rectocolite hémorragique (RCH) et à la maladie de Crohn préconisent l'utilisation des anti-TNF alpha comme alternative au traitement chez des patients présentant un rhumatisme inflammatoire axial ou périphérique, mais sans preuves scientifiques tangibles. La littérature dans ce domaine fait état de petites séries de cas patients et de peu d'études consacrées à l'évaluation des MEI d'autant plus qu'elles sont variées. Les données disponibles sont globalement peu concluantes quand à la conduite à tenir.
Un bénéfice avéré des anti-TNF alpha dans la prise en charge des MEI
Une revue systématique(2) publiée récemment permet enfin d'apporter des éléments de réponse à cette problématique. Cette revue a analysé les études interventionnelles ou non publiées jusqu'à octobre 2015. Les critères de sélection étaient : patients adultes atteints d'une MICI, traités par une biothérapie et présentant une MEI. Les études de moins de 10 patients ont été exclues (2/3 des études publiées !).
Les principaux résultats de cette analyse révèlent que pour les MEI cutanées (pyoderma gangrenosum), le taux de rémission observée est de 25 % dans les études interventionnelles versus 90 % dans les essais ouverts. Le traitement par anti-TNF alpha a également permis d'obtenir un bénéfice concernant les MEI articulaires (diminution de la prévalence) et oculaires.
Autres résultats - non attendus - la diminution sous anti-TNF alpha de la prévalence de l'anémie ; souvent associée à la fatigue observée chez les patients MICI et altérant leur qualité de vie.
Ces données présentent donc un intérêt dans la prise en charge des MICI et des MEI et qui devraient être utiles à la pratique des gastroentérologues, dermatologues, rhumatologues, ophtalmologues et hématologues.
Continuer l’investigation … !
Cette revue systématique a fait l'état des lieux des connaissances dans ce domaine. Elle a mis l'accent sur le peu d'études randomisées contrôlées et sur l'inégalité des données existantes (plus nombreuses dans le cas de la maladie de Crohn versus RCH). En plus des bénéfices des anti-TNF alpha décrits dans les manifestation cutanées et articulaires, l'amélioration de la coagulabilité du sang a été mise en avant dans deux études. Un bénéfice important vu le grand risque thromboembolique associé aux MICI.
Les autres biothérapies (dont vedolizumab, anti-integrine spécifique de l'intestin) n'ont pas montré d'amélioration des MEI. Cependant, dans le cas la cholangite sclérosante primitive, où les anti-TNF alpha n'ont pas montré d'efficacité, le vedolizumab pourrait apporter une solution (en attente des résultats d’un essai en cours).
Nous disposons pour la première fois de résultats prouvant l'efficacité des anti-TNF alpha dans la prise en charge de certaines MEI.
Des données susceptibles d'orienter la prise en charge des MICI dans sa globalité.
1.Harbord M et al. The first Europeanvevidence-based consensus on extra-intestinal manifestations in inflammatory bowel disease. J Crohns Colitis 2016;10:239–254.
2. Peyrin-Biroulet L et al., Systematic Review of Tumor Necrosis Factor Antagonists in Extraintestinal Manifestations in Inflammatory Bowel Disease. Clinical Gastroenterology and Hepatology 2016.doi: 10.1016/j.cgh.2016.06.025