Après un procès bâclé en 2004, la communauté internationale a été convaincue de la nocivité cardio-vasculaire des inhibiteurs de la cyclo-oxygénase 2. Dans des études présentant des faiblesses méthodologiques, le rofecoxib avait montré une augmentation du risque cardio-vasculaire dans certaines conditions de prescription. Le rofecoxib a ainsi été retiré du marché et son principal concurrent, le celecoxib a survécu au prix de la promesse de la réalisation d’une étude de sécurité cardio-vasculaire de grande envergure. Cet essai thérapeutique vient tout juste d’être publié. Dans l’étude PRECISION, trois anti-inflammatoires ont été testés afin de connaître la sécurité cardio-vasculaire ainsi que la toxicité gastrique de ces trois produits dans une étude à long terme. La prescription de ces anti-inflammatoires a été suivie pendant 34 mois dans le contexte d’une arthrose dans 90 % des cas et d’une polyarthrite rhumatoïde dans 10 % des cas chez 24 081 patients au total.
Sécurité cardiovasculaire des anti-inflammatoire évaluée pendant 10 ans, chez 24 000 patients La prescription de celecoxib a été faite chez 8 072 patients, la prescription de naproxène chez 7969 patients et la prescription d’ibuprofène chez 8 040 patients. La sécurité cardio-vasculaire correspondait à l’enregistrement de l’incidence des décès cardio-vasculaires, des infarctus du myocarde et des accidents vasculaires cérébraux. La toxicité gastrique ainsi que les événements rénaux ont été également enregistrés pendant toute la période de l’étude. Il s’agissait de patients âgés en moyenne de 63 ans, essentiellement des femmes (64 %) et dont l’indice de masse corporelle était à 33 kg/m2. La prescription se faisait essentiellement en prévention primaire cardio-vasculaire chez 77 % des patients. Les facteurs de risque étaient représentés par le diabète chez 35 % des patients, l’hypertension artérielle chez 78 % des patients, les dyslipidémies chez 62 % des patients et le tabagisme chez 21 % des patients. Il y avait une co-prescription d’aspirine chez 46 % des patients et de statines chez 54 % des patients. Au cours des 10 années d’étude, 69 % des patients ont arrêté la thérapeutique anti-inflammatoire. Le critère primaire de sécurité cardio-vasculaire a été enregistré chez 2,3 % des patients du groupe celecoxib, 2,5 % du groupe naproxène et 2,7 % du groupe ibuprofène, soit une différence non significative. Les événements gastriques sérieux ont été enregistrés de manière significativement moins fréquente (1,1 %) dans le groupe celecoxib contre 1,5 % dans le groupe naproxène et 1,6 % dans le groupe ibuprofène. C’est également le cas pour les événements rénaux sérieux qui ont été enregistrés avec une fréquence moins importante dans le groupe celecoxib (0,7 % contre 0,9 % dans le groupe naproxène et 1,1 % dans le groupe ibuprofène ; différence significative entre le groupe celecoxib et le groupe ibuprofène). Il n’y a pas eu non plus de différence significative de la mortalité totale égale à 1,6 % dans le groupe celecoxib, à 2 % dans le groupe naproxène et à 1,8 % dans le groupe ibuprofène.
Au total, le celecoxib ne pose pas de problème de sécurité cardio-vasculaire par rapport aux anti-inflammatoires traditionnels. Cette nouvelle classe thérapeutique a donc été injustement écartée de la pharmacopée des douleurs et des inflammations articulaires. Les esprits chagrins pourront toujours dire que la prescription des anti-inflammatoires dans cette étude n’a pas été faite à doses maximales et que l’observance au traitement n’est pas idéale. Ceci correspond tout de même assez bien à des douleurs chroniques qui, lorsqu’elles disparaissent se font oublier…Le traitement est généralement stoppé chez les patients qui ne souffrent plus.
L’histoire des essais thérapeutiques retiendra qu’il faut un essai thérapeutique avec suffisamment de puissance statistique avant de conclure,
d’alerter les agences sanitaires et surtout d’affoler le grand public sur la dangerosité d’une nouvelle classe thérapeutique.
Référence : Nissen SE, et al. Cardiovascular Safety of Celecoxib, Naproxen, or Ibuprofen for Arthritis. N Engl J Med. 2016 Dec 29;375(26):2519-29