Les MICI (maladies inflammatoires chroniques intestinales), pathologies très répandues, n’impactent pas uniquement le tube digestif, si sévères et invalidantes que ces atteintes digestives puissent être. Les MICI augmentent fortement le risque de complications cardiovasculaires classiques, comme l’article de Julien Kirchgesner et coll. le montre parfaitement sur une cohorte très impressionnante qui semble bien avoir épuisé le sujet. Les praticiens devront tenir compte de leurs conclusions et dépister les pathologies cardiovasculaires avec encore plus d’attention chez ces patients.
Les MICI incluent la maladie de Crohn (MC) et la rectocolite hémorragique (RCH) et sont caractérisées par une inflammation intestinale et systémique chronique. Or, l’inflammation chronique systémique est impliquée dans la pathogenèse de l’athérosclérose et associée à l’augmentation du risque d’événements artériels aigus. Cependant, le risque d'événements artériels aigus (EAA) chez les patients atteints de MICI reste incertain, contrairement aux autres maladies inflammatoires chroniques telles que la polyarthrite rhumatoïde et le lupus érythémateux systémique.
Le projet BERENICE supportée par L’ANSM a évalué des données françaises à partir du Programme de Médicalisation des Systèmes d’Information (PMSI). Ainsi, tous les patients âgés de 15 ans et plus ayant reçu le diagnostic de MICI entre 2008 et 2013 ont été identifiés et suivis jusqu’au 31 décembre 2013. L’incidence des EAA survenus au cours de cette période a été calculée et l’impact dans le temps d’une MICI active sur ce risque a été évalué après ajustement sur les facteurs de risque cardiovasculaires traditionnels, constitués de l’HTA, l’hyperlipidémie, le diabète de type 2, l’obésité, le tabagisme, la consommation d’alcool.
Chez les 21.0162 individus ayant reçu le diagnostic de MICI (97.708 pour une MC et 11.2254 pour une RCH) 5.554 EAA sont survenus. Sur ces 5.554 EAA, 3.177 (57,2%) ont été une cardiopathie ischémique, 1.715 (30,9%) une maladie cérébrovasculaire (AVC, AIT) et 662 (11,9%) une maladie artérielle périphérique (AOMI). Le taux brut global d’EAA a été de 9,3/1000 patients-années et de 5,3, 2,9 et 1,1/1000 patients-années respectivement pour les cardiopathies ischémiques, les AVC et pour les AOMI. Le taux d’EAA a été significativement augmenté chez les patients avec MC ou RCH comparativement à la population générale, avec un ratio standardisé d’incidence respectif de 1,35 [IC95% : 1,30-1,41] et de 1,10 [1,06-1,13].
Le risque le plus élevé a été observé chez les patients de moins de 55 ans, quelle que soit la pathologie inflammatoire intestinale considérée (MC ou RCH).
Les trimestres précédant et suivant l’hospitalisation pour MICI ont été corrélés à une augmentation du risque d’événement artériel aigu à la fois chez les sujets souffrant de MC et de RCH, respectivement HR= 1,74 [1,44-2,09] et HR= 1,87 [1,58-2,22].
Ainsi, l’étude de cette cohorte nationale de plus de 200.000 sujets porteurs de MICI a mis en évidence une augmentation du risque d’événement artériel aigu comparativement à la population générale. Ce risque a été plus élevé chez les porteurs de maladie de Crohn et chez les plus jeunes. Les auteurs ont donc établi un lien clair entre la MICI active et le risque d’événement artériel aigu. Ces résultats confirment l’intérêt d’un contrôle le plus étroit possible de l’inflammation chez les patients présentant une MICI afin d’en diminuer les conséquences systémiques.
Kirchgesner J et al. Increased risk of acute arterial events in young patients and severely active IBD : a nationwide French cohort study. Gut Online First, published on June 24, 2017. DOI : 10.1136/gutjnl-2017-314015.