Il est reconnu que les facteurs vasculaires (HTA, diabète) impactent le cerveau et le risque de démence. En raison de l’augmentation de la prévalence des démences, ces considérations sont désormais essentielles. Elles semblent liées, au moins en partie, à des lésions vasculaires cérébrales à bas bruit, comme en témoignent les analyses IRM.
Devant ces constatations, il reste à préciser le rôle de l’âge et du moment de début du processus, l’intérêt de l’intervention de la variation tensionnelle, le lien de causalité entre HTA et démence et la possibilité ou non de prévenir le vieillissement cérébral.
Dès les années 1970, le niveau tensionnel a pu être corrélé à la détérioration intellectuelle. De nombreuses études et méta-analyses depuis ont confirmé cette relation. Elle est essentielle car la démence prend une ampleur considérable dans les problèmes de santé. Il s’agit d’une pathologie fréquente, touchant 5% des sujets de plus de 65 ans, qui augmente avec l’âge pour concerner 25% des sujets de plus de 85 ans et 50% des sujets de plus de 95 ans. En outre, le nombre de cas va fortement augmenter dans le monde : de 26 millions en 2006 à 115 millions en 2050. La plupart des cas (60 à 70%) surviendront dans les pays en voie de développement (PVD) avec une augmentation de 300% en Chine et en Inde pour 2040.
A ce jour, on ne connaît pas de traitement curatif, ni même préventif mais retarder le début de la maladie serait efficace au niveau de la population : un retard d’un an signifierait 9.2 millions de cas en moins pour 2050.
Des facteurs tels que le diabète et l’HTA engendrent des AVC, des atteintes cérébrales vasculaires, le tout menant à la démence vasculaire. Ils peuvent aussi accélérer la survenue d’Alzheimer. Leur impact est lié a des effets vasculaires cérébraux détectables par l’IRM : hyperdensités de la substance blanche ou lacunes (infarctus cérébraux, espaces périvasculaires dilatés (dPVS), micro-saignements cérébraux). Il est largement démontré que ces marqueurs IRM sont corrélés à un risque accru de démence. Ils sont fréquents chez les personnes âgées avec des lésions de la substance blanche : chez 90 – 100% des séniors. On observe aussi des infarctus cérébraux silencieux, dans 20 à 30% des cas. Ils sont 5 à 10 fois plus fréquents que les AVC cliniques. Le point commun à ces atteintes est l’artériosclérose et elles sont corrélées aux facteurs vasculaires (HTA, diabète) comme le montrent les études cliniques ARIC, Framingham, etc. Enfin, l’étude 3C, par IRM montre que le traitement antihypertenseur réduit l’extension des lésions de la substance blanche.
La conclusion du Pr Tzourio :
L’effet de l’HTA semble dépendre de l’âge. Lorsqu’elle survient en milieu de vie, elle constitue un facteur de risque de démence à un âge bien plus avancé. Chez les séniors, la situation est plus complexe. L’étude CARDIA chez des 18 – 30 ans suivis pendant 25 ans montre que la variabilité tensionnelle est associée à une vitesse psychomotrice et des tests de mémoire verbale inférieurs en milieu de vie, indépendamment de l’exposition cumulée à la PA. Ainsi, déjà chez l’adulte jeune, l’impact des facteurs vasculaires est détectable !
Sur le plan clinique, la relation entre HTA et démence est très difficile à établir. Il faut disposer de patients sans anomalie cognitive à l’inclusion, des suivis très longs où les perdus de vue peuvent l’être pour des raisons cognitives, et les facteurs vasculaires peuvent perdre de l’importance à un âge avancé. Des informations précieuses pourraient être obtenues à partir des bases de données.
Ainsi, la recherche sur le vieillissement cérébral pourrait changer. Au lieu de se focaliser sur l’âge avancé, elle gagnera à se concentrer sur le processus de vieillissement, des critères binaires (démence ou pas). Elle s’intéressera à des modèles de changements longitudinaux : de la notion de seuils à celle de continuité des processus et des stades tardifs aux stades précoces. Des études sur la durée de la vie sont donc nécessaires.