Aujourd’hui, 32% des patients en IC répondent aux critères de la classe NYHA I, présentant des facteurs de risque : HTA, diabète, voire un/des IDM. Cette situation, encore bénigne, engendre un remodelage cardiaque, phénomène mis en évidence par Eugene Braunwald et Marc et Janice Pfeffer à la fin des années 1980. Ils peuvent alors évoluer vers la classe II, comme 45% des patients vus en cardiologie. Suit une évolution progressive, parfois entrecoupée de décompensations, de plus en plus fréquentes, les menant aux stades III puis IV avec une issue fatale. Il est donc essentiel d’agir le plus possible en amont et, lorsque la pathologie est installée, d’en modifier l’histoire naturelle.
Ces constatations épidémiologiques sont à mettre en perspective avec certaines nouvelles notions essentielles :
L’IC avec une FEVG moyenne ou « mid-range EF » (HFmrEF) ;
Un nouvel algorithme pour le diagnostic de l’IC, basé sur la probabilité clinique d’IC, l’évaluation du taux de peptides natriurétiques et l’ETT;
Des recommandations pour la prévention de l’IC ;
Des indications nouvelles pour le Sacubitril/Valsartan dans l’IC à FEVG réduite (HFrEF) ;
Des indications pour la resynchronisation (CRT) ;
Un nouvel algorithme de diagnostic et de prise en charge de l’IC aiguë ;
Une liste de drogues contre-indiquées en cas de HFrEF.
La prévention de l’IC est mieux prise en compte
Elle repose sur un traitement efficace des facteurs de risque (HTA, diabète, obésité, tabac…), un traitement par statines chez les patients coronariens ou à risque élevé de le devenir, par IEC en cas de dysfonction VG asymptomatique et/ou coronaropathie stable et par bétabloquants en cas de dysfonction VG asymptomatique et un antécédent d’IDM.
La prise en charge initiale devient standardisée
En plus des diurétiques de l’anse visant la congestion et ses symptômes, il convient de débuter le traitement IEC + BB. Il peut être complété par un anti-aldostérone en cas de symptômes persistants et une FEVG ≤ 35%. En l’absence d’amélioration, il est recommandé de remplacer l’IEC par un ARNi. Si la FC (sinusale) reste > 70/mn, il faut introduire l’ivabradine. En cas d’amélioration franche, réduire les diurétiques sinon, passer à des méthodes plus agressives (assistance…).
La recherche vise la mise au point de modulateurs des systèmes
On cherche aujourd'hui à obtenir des effets diurétiques, vasodilatateurs, inhibiteur de l’hypertrophie et de la fibrose…Après les succès enregistrés dans la voie de l’angiotensine II, il reste à cibler les peptides natriurétiques, dotés d’effets fortement bénéfiques sur le cœur, le rein et les vaisseaux.
Ici intervient le LCZ 696, Angiotensin-Receptor Neprilysin inhibitor (ARNi) :
Le valsartan présent dans la molécule inhibe les récepteurs de type 1 à l’angiotensine II ;
Le sacubitril bloque la dégradation enzymatique des peptides natriurétiques, lesquels dès lors peuvent exercer leurs effets bénéfiques (vasodilatation, natriurèse…).
Le Professeur Pathak a rappelé les caractéristiques des patients.
Les résultats de l’étude PARADIGM-HF (McMurray JJ, NEJM 2014), par leur ampleur, pourraient entraîner une révision profonde de la prise en charge de la HFrEF. Chez des patients optimisés, et comparativement à un traitement IEC au dosage recommandé (énalapril 10 mg x 2/j), le LCZ696 a permis de réduire, par rapport à l’énalapril :
Le critère composite principal (mortalité d’origine CV, première admission pour IC) de 20% (p<0.001) ;
La mortalité d’origine CV de 20% (p<0.001) ;
Les premières admissions pour IC de 21% (p<0.001) ;
Les décès de toutes causes confondues de 16% (p<0.001) ;
Les nouvelles FA de 3% (NS) et les aggravations rénales de 14% (NS) ;
On observe enfin une amélioration de la qualité de vie (p = 0.001).
Et ainsi, le NNT pour éviter un événement primaire sur 27 mois, est de 21, avec un décès CV de 32. Fait notable, le LCZ 696 a réduit autant le risque de morts subites que celui de décès par IC (Desai AS, Eur Heart J, 2015). Le LCZ 696 est donc indiqué chez les patients présentant :
Une HFrEF ambulatoire symptomatique ;
Une FEVG ≤ 35% ;
Un BNP > 300 pg/ml ou un NT-proBNP > 600 ;
Un DFGe > 30 ml/mn.1.73 m² ;
Une tolérance à l’énalapril à 2 doses de 10 mg par jour.
Des effets secondaires peuvent se manifester : hypotension, angio-œdème (l’IEC doit être stoppé au moins 36h avant d’initier le LCZ 696). Dès lors, les recommandations placent les ARNi immédiatement après les anti-aldostérones en cas de persistance des symptômes (et une FEVG ≤ 35%) sans négliger le rôle potentiel des sartans en cas d’intolérance aux IEC.
Il existe une forte pression pour clarifier les effets CV des nouveaux antidiabétiques, en particulier les iSGLT-2. L’essai EMPAREG outcomes a mis en évidence des effets fortement bénéfiques de l’empagliflozine au plan CV (IC, décès CV, décès de toutes causes…)
Conclusion du Pr Pathak
La prise en charge de l’insuffisance cardiaque a profondément évolué depuis les digitalo-diurétiques
Le traitement symptomatique reste nécessaire et laisse toute leur place aux diurétiques de l’anse ;
Une réduction de la morbi-mortalité a été obtenue avec les IEC, les VB et les anti-aldostérones ;
L’intérêt de l’ivabradine s’est précisé ;
Le traitement électrique a trouvé sa place : CRT, DAI, CRT-D ;
L’ETP (éducation thérapeutique du patient) est essentielle, tout comme la réadaptation physique, autrefois proscrite ;
L’e-santé s’annonce, bien que les résultats des études soient quelque peu équivoques et la prise en charge coûteuse et chronophage ;
L’arrivée de l’association sacubitril-valsartan bouscule l’ordre établi et montre l’intérêt de la voie des peptides natriurétiques.