Les nombreux bénéfices cardiovasculaires des statines ne font plus de doutes, malgré les réticences médiatiques et rémunératrices de quelques grincheux. Mais ces certitudes n’ont pas été immédiatement appréhendées. Au début les statines n’étaient qu’un traitement de plus des dyslipidémies. Alors que les essais cliniques se succèdent, les bénéfices sur les accidents coronariens ont été les premiers relevés, mais ceux sur les AVC ont été plus longs à venir.
L’étude de Jick et coll. ne date donc que de 2000 et elle a été peu diffusée. A tort. Au-delà des AVC elle s’adresse au risque de démence sous statines. En partant de la notion que la démence affecte 10% des plus de 65 ans, que les dysmétabolismes lipidiques et vasculaires peuvent être impliqués dans la survenue de la maladie d’Alzheimer et surtout des démences vasculaires, les auteurs ont entrepris une étude des interactions entre les traitements hypolipémiants et la survenue de ces pathologies.
Pour cela ils ont fait appel à une base de données de la Médecine Générale Britannique, et ont constitué trois groupes : des individus, tous de plus de 50 ans, les uns ayant reçu un hypolipémiant, le 2e groupe : dyslipidémiques sans traitement, le 3e groupe, est un tirage au sort de personnes ne correspondant pas aux deux premiers groupes.
A partir de cette base de données, tous les individus ayant reçu un diagnostic de démence ont été enregistrées et appariés à 4 autres sans ce diagnostic, comparables sur tous les autres plans.
Les auteurs ont ainsi isolé 284 cas de démence « matchés » à 1080 cas contrôles, dont 13% avaient une dyslipidémie non traitée, 11% sous statines, 7% sous d’autres hypolipémiants. Après ajustement sur tous les autres facteurs de risque (de démence et autres), le risque relatif (RR) de développer une démence sous statines, comparativement à la présence d’autres hypolipémiants ou l’absence d’hypolipémiant a été de 0.29 (IC95% : 0.13 – 0.63).
Cette étude n’est certes pas un essai randomisé contre placebo mené en double aveugle mais doit attirer fortement l’attention sur les interactions entre la présence d’un traitement par statine et le risque de démence. On ignore encore aujourd’hui s’il existe une véritable interaction entre la vraie Maladie d’Alzheimer et les dyslipidémies, voire le traitement par statine. Mais il semble peu douteux que le traitement par statines impacte fortement le risque de démence vasculaire, lié à la répétition d’AVC, cliniques ou infra-cliniques. Ceux-ci sont le fait de plaques artérielles qui envoient des micro-embols répétés vers le cerveau.
En pratique, au vu des connaissances actuelles, une personne porteuse de plaques carotidiennes relève d’un traitement par statine. Et probablement, si la pression artérielle le permet, par IEC. Par contre, le rôle de petites doses d’aspirine, en l’absence d’antécédent clinique d’AVC est discuté. Pour lever le doute, une IRM cérébrale permettra de découvrir (ou pas) des AVC silencieux et d’en tirer les conséquences.
Les démences représentent un poids social et affectif considérable. En regard, un traitement par statine est maintenant peu coûteux et son impact bénéfique vasculaire (coronaires, carotides, etc…) est considérable.
Statins and the risk of dementia. Jick J. et coll. Lancet 2000 ; 356 : 1627-31