L’étude POET rapportée par Henning Bundgaard (Copenhague, DK) a été l’occasion d’une très intéressante présentation qui pourrait changer la vie de nombreux patients. Elle a évalué la possibilité de passer les antibiotiques par voie orale et de laisser éventuellement sortir les patients dans la prise en charge des endocardites du cœur gauche.
Les recommandations actuelles préconisent un traitement IV durant 6 semaines, et donc un maintien le plus souvent prolongé en secteur hospitalier. L’étude POET a été menée en non-infériorité avec une marge fixée à 10%, randomisée, non aveugle, et menée au Danemark. Les antibiotiques oraux sont choisis selon leur biodisponibilité, associés par deux dans tous les cas, avec vérification des taux plasmatiques.
Les inclusions ont concerné des endocardites du cœur gauche par infection à Streptocoque, Entérocoque, ou Staphylocoque. Les patients devaient avoir reçu au moins 10 jours de traitement IV et au moins 7 jours après chirurgie, être apyrétiques depuis plus de 2 jours (< 38°), avec une bonne décroissance de la CRP et des leucocytes, et une vérification ETO de 48 heures ou moins.
Les patients ont alors été randomisés pour rester à la voie IV ou bien passer per os, et un suivi de 6 mois est réalisé. Le critère d’évaluation principal (CEP) est la somme des décès, une/des chirurgies non prévues, des complications emboliques et une récidive avec le même germe à 6 mois.
L’étude a inclus 400 patients, avec 52% de strepto, 23% d’entéro et 25% de staphylocoques. Parmi eux, 38% font l’objet d’une chirurgie avant randomisation.
Les résultats montrent pour le CEP une différence absolue de 3,1 points de pourcentage en faveur du bras oral (RR à 0.72 NS, IC95% entre -3,4% et -9,6%), validant la non-infériorité. Pour les paramètres chirurgie non prévue, embols et récidives on n’observe aucune différence. La mortalité est nettement moindre dans le bras oral mais il peut s’agir du hasard (critère secondaire, peu de cas).
Les résultats sont homogènes dans tous les sous-groupes prévus. Il n’y a pas de signal au niveau des paramètres de sécurité, mais on observe un cas de taux sub-thérapeutiques d’antibiotiques dans un cas oral sur 7.
Enfin les patients du bras per os sont autorisés à quitter l’hôpital si tous les paramètres sont au vert et en restant sous un suivi clinique étroit, et la durée moyenne de séjour après randomisation est donc de 19 jours pour le bras IV contre 3 jours pour le bras per os (p < 0.001).
POET valide donc clairement l’hypothèse de départ, qui permettrait des économies appréciables, et surtout éviterait aux patients qui vont bien de rester encore près de 3 semaines à déambuler attachés à un pied de perfusion (avec les risques inhérents). La mise en application de ces conclusions nécessite de respecter scrupuleusement les critères de sélection employés pour éviter des catastrophes, mais c’est une bonne nouvelle.
Avec la quasi-disparition des valvulopathies rhumatismales, l’endocardite bactérienne s’est estompée mais reste un problème médico-chirurgical majeur lorsqu’elle survient ; avec l’allongement de la vie et l’émergence de valvulopathies dégénératives, son incidence semble même remonter (excellente revue par Wang A. et coll. JAMA 2018 ; 320 : 72-83).
L’équipe écossaise de l’étude POET a fait un travail remarquable pour valider le raccourcissement du séjour hospitalier de ces patients qui peuvent tout autant bénéficier d’une antibiothérapie orale précoce hors hôpital, lieu inconfortable au plan infectieux, entre autres !
D’autant que l’essentiel des recommandations était empirique ! Il faut s’attendre à leur révision.
Publication dans le NEJM.