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Hypercholestérolémie génétique : la fin d’une maladie ?

Dans un article du 18 octobre 2016 d’INTER/MED (1), nous évoquions la possibilité de corriger le génome humain. L’apparition de nouveaux « ciseaux moléculaires » permettait alors d’envisager le traitement étiologique des maladies héréditaires. En effet, les médicaments ne sont que des thérapeutiques palliatives qui doivent être poursuivies toute la vie. Ces médicaments ont également des effets indésirables, certes limités, mais qui alimentent la polémique dans les médias…

L’hypercholestérolémie familiale hétérozygote est la maladie la plus fréquente au monde dans le domaine de la génétique humaine. Cette affection génétique touche environ un sujet sur 200 en population générale ce qui fait de cette maladie un vrai problème de santé publique. Nous avons montré récemment (2) que la prévalence de cette hypercholestérolémie familiale génétique est également très commune en France. Par conséquent, les coûts induits pour traiter cette maladie sont considérables et les conséquences à long terme sont redoutables.


La technique que j’ai appelée vulgairement les « ciseaux moléculaires » fait référence à la technologie appelée « AAV-CRISPR/Cas9–Mediated Gene Editing ». Le principe général est de réparer une anomalie moléculaire avec une technique très précise qui ne corrige que l’anomalie et ne provoque aucun dégât collatéral majeur décrit à ce jour. Le principe est bien sûr est de s’adresser à des cellules somatiques et de ne pas toucher aux cellules germinales.


Dans un article récent (3), les auteurs décrivent pour la première fois chez l’animal les différentes étapes de cette manipulation génétique qui peut donc s’envisager sereinement chez le l’homme dans un avenir plus ou moins proche. Dans le cadre d’une très forte collaboration chinoise, les auteurs ont choisi à juste titre une mutation humaine propre à leur population c’est-à-dire une mutation ponctuelle dans l’exon 4 du gène du LDL récepteur qui transforme une guanine en thymine, induisant ainsi un codon stop prématuré. L'acide glutamique en position 207 au niveau du LDL récepteur n'est plus synthétisé et la protéine est tronquée. Dans le cas d’une double mutation, héritée de chacun des 2 parents, le patient est homozygote et présente des lésions cardio-vasculaires sévères sévère dès l’enfance. Le choix de cette mutation est approprié car 90 % des mutations chez l’homme sont au niveau du LDL récepteur. Les auteurs ont donc procédé à 4 étapes essentielles afin de démontrer la véracité et la maîtrise de leur technique.


  • La première étape a consisté à recréer chez la souris la mutation rencontrée chez l’homme ou la femme chinoise à l’état homozygote. Le génome de la souris a donc été modifié de façon à recréer la mutation responsable de l’hypercholestérolémie familiale homozygote. Cette première étape a démontré la disparition de l'ARN messager de la protéine correspondante, l’absence d’activité du récepteur au LDL cholestérol chez l’animal génétiquement modifié et l’absence de ce LDL récepteur au niveau des hépatocytes.


  • La 2e étape avait pour objet la démonstration de l’athérosclérose chez les souris génétiquement modifiées. Par rapport aux souris contrôles, les souris génétiquement modifiées présentaient une athérosclérose aortique significativement augmentée avec des stigmates de l’inflammation chronique comme l’infiltration des macrophages dans les plaques d’athérosclérose. Enfin, ces souris génétiquement modifiées avaient des taux de LDL cholestérol classiques dans l’hypercholestérolémie familiale homozygote, c'est-à-dire très augmentés.


  • La 3e étape a appliqué la technique « AAV-CRISPR/Cas9–Mediated Gene Editing ». Un adénovirus « associé » spécifique des hépatocytes et accompagné du « ciseau moléculaire » a ciblé la mutation et l’a réparée. Cette manœuvre a été réalisée par voie sous cutanée donc de manière non agressive. Afin de montrer l’efficacité de cette technique, les auteurs ont prouvé la présence de l’ADN modifié, la présence de l’ARN messager du LDL récepteur et l’apparition de récepteurs au LDL cholestérol au niveau des hépatocytes.


  • La 4e et dernière étape a consisté à montrer l’efficacité clinique de cette modification moléculaire. Les souris génétiquement modifiées ont vu leurs plaques d’athérosclérose diminuées et l’inflammation de ces mêmes plaques fortement impactée. De manière attendue, le niveau du LDL cholestérol a baissé de manière très significative. En d’autres termes, la correction de la mutation par les « ciseaux moléculaires » a non seulement eu un impact sur la génétique des hépatocytes mais également sur l’athérosclérose clinique dans ce modèle d’hypercholestérolémie familiale homozygote murin.


Pour la première fois au monde, ces auteurs chinois montrent de manière très élégante la correction de 7 % environ du génome de la souris induisant une réparation d’environ 20 % des hépatocytes malades. Ceci a pu être réalisé sans induire de mutations associées montrant bien le ciblage génétique de la manipulation comportant un adénovirus et le « ciseau moléculaire » qui lui est associé. Cette technique française, inventée par Emmanuelle Charpentier (4), laisse entrevoir un avenir radieux pour toutes les anomalies génétiques qui sont bien caractérisées à ce jour. Le cas de l’hypercholestérolémie familiale homozygote est particulièrement bien choisi puisque ce sont des patients qui meurent généralement avant l’âge adulte dans un tableau d’athérosclérose catastrophique. Il faudrait donc envisager un traitement génétique précoce ayant pour but de restaurer une fonction hépatocytaire la plus normale possible limitant ainsi l’accumulation du LDL cholestérol dans la paroi des artères.


En conclusion, c’est bien la biologie qui pousse la médecine vers l’excellence. Ce qui pouvait apparaître comme un rêve il y a 4 ans est désormais une réalité clinique. Il reste néanmoins à franchir toutes les étapes éthiques, en particulier en France, avant de laisser entrevoir aux jeunes patients et à leurs parents une issue non médicamenteuse à leur maladie familiale. On peut ainsi rêver à la disparition des séances quasi-hebdomadaires de LDL aphérèses chez ces patients





1- Les-nouveaux-ciseaux-moleculaireshttps : //www.intermed-publishing.com

2- Bérard E, Bongard V, Haas B, Dallongeville J, Moitry M, Cottel D, Ruidavets JB, Ferrières J. Prevalence and Treatment of Familial Hypercholesterolemia in France. Can J Cardiol. 2019 Jun; 35(6):744-752.

3- Zhao H, Li Y, He L, Pu W, Yu W, Li Y, Wu YT, Xu C, Wei Y, Ding Q, Song BL, Huang H, Zhou B. In Vivo AAV-CRISPR/Cas9-Mediated Gene Editing Ameliorates Atherosclerosis in Familial Hypercholesterolemia. Circulation. 2020 Jan 7;141(1):67-79. doi: 10.1161/CIRCULATIONAHA.119.042476.

4- Charpentier E, Richter H, van der Oost J, White MF. Biogenesis pathways of RNA guides in archaeal and bacterial CRISPR-Cas adaptive immunity. FEMS Microbiol Rev. 2015 May;39(3):428-41.




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