Cet article explique les effets des benzodiazépines sur les différents systèmes neurobiologiques et pharmacologiques de notre organisme mais également leurs risques dont le risque addictif. Leur utilisation doit être d’une durée la plus courte possible (2 à 4 semaines maximum) sinon une addiction peut s’installer. Il faut avant tout savoir que notre système nerveux dispose d’un système GABAergique caractérisé par des récepteurs au GABA qui comprennent 7 sous-unités dont certaines sont impliquées dans l’anxiété, d’autres dans l’induction du sommeil.
Au niveau thérapeutique, il est important de différencier les profils « simples » et « complexes » (complexes = avec une addiction associée par exemple aux opiacés ou avec une pathologie psychiatrique lourde). En effet, il faudra, comme l’indique l’article, maintenir le traitement de substitution aux opiacés pendant la durée du sevrage aux benzodiazépines et/ou ajuster le traitement pour la pathologie psychiatrique. Pour un traitement de fond, il est préconisé de maintenir déjà en place, ou bien d’introduire un traitement dont les propriétés sont à la fois thymo-régulatrices et anti-convulsivantes comme la Carmabazépine (Tégrétol®) à 200mg en deux prises par jour. A ce titre, pour traiter l’anxiété, il faudra préférer des anxiolytiques non-benzodiazépines pour un traitement plus ponctuel.
Enfin, un processus pour réduire la consommation de benzodiazépines puis tendre vers un sevrage en sécurité et durable, pour lequel il est proposé dans l’article d’agir :
De façon très progressive en diminuant la dose totale de 10 à 25 % toutes les deux semaines et sur une durée de 6 à 8 semaines.
En basculant vers une molécule de longue durée d’action. Ici le diazepam (Valium®) est proposé.
Quels sont les points forts de cet article ?
Cet article permet de comprendre la prévalence de consommation de benzodiazépines en Europe et aux USA (en hausse ces dernières années), ainsi que les modes d’action sur les différentes localisations de notre organisme. Chaque spécialité médicale concernée pourra alors mieux en informer les patients et prévenir de nouvelles dépendances à ces médicaments en limitant au maximum les primo-prescriptions.
Il s’agit d’un article offrant des pistes pratiques pour les cliniciens qu’ils soient spécialistes ou généralistes, en expliquant les principaux signes de manque physiques (myalgies, crampes musculaires, spams et syndrome pseudo-grippal) et psychiques (anxiété, agitation, troubles du sommeil, attaques de panique et labilité émotionnelle et thymique)
Ancré dans la réalité de terrain, l’auteur évoque les pathologies duelles (addiction et psychiatrie) ainsi que l’addiction aux opiacés associée. Il propose une conduite à tenir intéressante et sécure pour les praticiens pouvant se retrouver en difficulté lorsqu’ils doivent prendre en charge des patients prenant à la fois des benzodiazépines et des traitements antalgiques opiacés ou étant sous traitement de substitution comme la méthadone ou la buprénorphine.
Également, l’auteur souligne le rôle crucial de la psychothérapie notamment les TCC (Thérapie Cognitive et Comportementale) dans l’accompagnement global de ces patients. Cela démontre une nouvelle fois la dimension clinique et globale du traitement de la dépendance.
Pourquoi diriez-vous que c’est article est important pour les spécialités concernées ?
Parce qu’il clarifie certains points encore peu ou pas assez connus pour bon nombre de praticiens sur le sujet de la pharmacodépendance aux benzodiazépines. Il s’agit du médicament psychotrope le plus consommé en France et en Europe mais également outre-Atlantique. Les risques de ces consommations à court et moyen termes doivent être connus par les praticiens et doivent interroger régulièrement leurs patients au sujet des troubles du sommeil, de l’anxiété, des antécédents d’addiction, l’automédication…car cela peut générer des consommations régulières de benzodiazépines.
Sont concernés par la lecture cet article, non seulement les psychiatres, mais aussi les médecins généralistes en première ligne des demandes, les neurologues et les pédiatres car seuls ces derniers ne peuvent prescrire du Clonazépate dipotassium (Rivotril®). Les médecins du travail et les médecins du sport seront fortement confrontés à ces types de consommations. Enfin, les médecins de prévention seront les porte-paroles de la bonne utilisation, ou plutôt non-utilisation de ces molécules.
Enfin, il est noté dans l’article que les psychiatres sont ceux qui prescrivent le plus longtemps ces molécules, des informations d’autant plus intéressantes pour cette spécialité.
Quelles en sont les limites / points faibles ?
Il s’agit d’un très bon article avec de nombreuses références bibliographiques citées.
Des informations de sciences fondamentales telles que la pharmacologie sont données dans l’article et on peut également y trouver des applications très pratiques. A mon sens, les schémas de réduction progressive de sevrage en benzodiazépines paraissent un peu rapides ; on observe en pratique clinique fréquemment des durées allant jusqu’à douze mois.
L’auteur précise la place de la psychothérapie dans l’accompagnement ce qui prouve tout de même qu’il ne s’agit pas seulement d’une publication purement axée sur la recherche mais une ouverture sur la pratique clinique comme l’annonce le titre. Cela est très appréciable.
Enfin, il est recommandé d’utiliser des molécules comme la prégabaline ou la gabapentine. Cela est intéressant pour éviter les prescriptions de benzodiazépines, mais attention : certaines molécules ont également un pouvoir addictogène, c’est le cas de la prégabaline (Lyrica®).
Le rôle des services d’Addicto-vigilance n’est pas près de s’arrêter.
Traitement de la dépendance aux Benzodiazépines. Michael Soyka, New England Journal of Medecine 2017.