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30 ANS APRES, LES 3 PILIERS DE L'ATHEROSCLEROSE SONT INTACTS !

Le traitement des maladies chroniques peut s’envisager au stade des manifestations cliniques, mais il est plus judicieux d’organiser des mesures de prévention lorsqu’on maîtrise les causes de ces maladies. C’est bien le cas des maladies cardiovasculaires pour lesquelles les causes de l’athérosclérose sont bien identifiées. De nombreuses formules de risque ont été élaborées afin de prédire à long terme l’infarctus du myocarde et l’accident vasculaire cérébral ischémique.

Généralement, ces formules de risque prédisent les événements à 10 ans. Lors du dernier congrès de la Société européenne de cardiologie, une cohorte originale permet d’envisager la prévention cardiovasculaire à très long terme.

Dans un article publié dans le New England Journal of Medicine en même temps que le congrès, les auteurs ont analysé à nouveau une étude très connue la Women Health Study. La Women Health Study a inclu la participation de 39 876 femmes exerçant dans le milieu de la santé entre 1992 et 1995. Toutes ces femmes ont donné des renseignements cliniques précis et elles ont accepté le prélèvement de nombreux échantillons biologiques. Ces femmes étaient initialement saines à l’entrée dans l’étude et elles ont pu être suivies pendant 30 ans. Parmi ces femmes, 27 939 ont fourni des échantillons sanguins qui ont pu être analysés à nouveau pour des données complémentaires.

Ainsi, 3 paramètres du risque cardiovasculaire ont pu être évalués : la CRP ultrasensible, le LDL cholestérol et la lipoprotéine(a). Au début de la cohorte, les femmes avaient en moyenne 54,7 ans, 25 % étaient hypertendues, 12 % étaient tabagiques, 2,5 % avaient un diabète et 14,4 % avaient un antécédent d’infarctus du myocarde avant 65 ans dans la famille. L’indice de masse corporelle était de 25,9 kg/m2.


Durant les 30 années de suivi, 3662 événements cardiovasculaires ont été enregistrés, pour un infarctus du myocarde, un accident vasculaire cérébral, une revascularisation coronaire ou un décès cardiovasculaire. Dans un modèle ajusté pour toutes les co-variables, pour une variation d’un quintile, le risque relatif est de 1,14 pour la CRP, de 1,08 pour le LDL cholestérol et de 1,06 pour la lipoprotéine(a). Alors que le risque augmente progressivement à chaque quintile d’élévation de la CRP et du LDL cholestérol, l’élévation du risque est plus marquée pour le cinquième quintile de la lipoprotéine(a).

Pour la maladie coronaire, l’élévation du risque par quintile est de 1,17 pour la CRP, de 1,16 pour le LDL cholestérol et de 1,11 pour la lipoprotéine(a).

Pour l’infarctus cérébral, l’élévation du risque par quintile est de 1,13 pour la CRP, de 1,06 pour le LDL cholestérol et de 1,05 pour la lipoprotéine(a). Lorsque la CRP est au-dessus de la médiane et lorsque le LDL cholestérol est au-dessus de la médiane, le risque relatif est de 1,64. Lorsque la CRP est au-dessus de la médiane et la lipoprotéine(a) au-dessus de la médiane, le risque relatif est de 1,53. Lorsque le LDL cholestérol est au-dessus de la médiane et que la lipoprotéine(a) est au-dessus de la médiane, le risque relatif est de 1,38.

Lorsque l’on combine ces 3 variables biologiques, le risque relatif est de 1 pour les femmes qui n’ont aucun facteur de risque, le risque relatif est de 1,27 s’il y a 1 marqueur dans le cinquième quintile, de 1,66 pour les femmes qui ont 2 marqueurs dans le cinquième quintile et il est de 2,63 pour les femmes qui ont les 3 marqueurs dans le cinquième quintile. Ceci est également vrai pour la maladie coronaire et l’accident vasculaire cérébral avec un risque relatif de 1,68 pour les 3 marqueurs pour l’accident vasculaire cérébral et de 3,71 pour les trois marqueurs dans la maladie coronaire.


Même lorsqu’on censure les femmes qui ont commencé un traitement par statines, les résultats sont identiques. Dans cette analyse où les femmes ne sont pas sous statines, le risque relatif ajusté pour les 3 biomarqueurs dans le cinquième quintile, le risque relatif est de 3,21 pour les événements cardiovasculaires, de 2,87 pour l’accident vasculaire cérébral et de 4,08 pour la maladie coronaire. Tous les risques relatifs cités dans cet article sont significatifs.


Le LDL cholestérol et la lipoprotéine(a) augmente l’influx des lipides athérogènes dans la plaque d’athérosclérose alors que l’inflammation favorise la progression de la plaque. Ce phénomène d’infiltration lipidique débute soit dans l’enfance dans l’hypercholestérolémie familiale ou l’élévation génétique de la lipoprotéine(a) ou débute à l’âge adulte lorsque les facteurs de risque s’expriment plus tard comme le tabagisme ou l’hypercholestérolémie polygénique. Depuis 1961, c’est-à-dire depuis les analyses initiales de l’étude Framingham, le rôle étiologique du LDL cholestérol n’a jamais été remis en question et la lipoprotéine(a) est une lipoprotéine aussi atherogène que le LDL cholestérol. Pour le LDL cholestérol, nous avons désormais de nombreuses thérapeutiques efficaces sur le pronostic cardiovasculaire et sur le pronostic vital. Pour l’inflammation, la colchicine à la dose de 0,5 mg par jour semble un traitement de choix de la maladie coronaire. Pour la lipoprotéine(a), à ce jour seul la LDL aphérèse permet de contrôler le niveau de ce lipide athérogène. Cependant, de nombreuses thérapeutiques innovantes sont en fin d’expérimentation avec des études cliniques majeures attendues dès 2026.



En résumé, il n’y a aucun argument pour ne pas doser chez tout adulte quel que soit son âge, le LDL cholestérol et la lipoprotéine(a). Le dosage de la CRP ultrasensible n’est pas encore recommandé car la prescription en prévention primaire d’un traitement anti-inflammatoire n’est pas prouvée. Aux côtés des médicaments du LDL cholestérol, l’exercice physique, l’arrêt du tabac et la nutrition méditerranéenne sont des approches anti-athérogènes et qui ont un effet anti-inflammatoire sur le long terme. En 2024, il ne reste plus qu’une politique de prévention cardiovasculaire digne de ce nom à mettre en route en France…

 


Professeur Jean Ferrières – Fédération de cardiologie CHU de Toulouse


 

Référence : Ridker PM, Vinayaga Moorthy M, Cook NR, et al. Inflammation, cholesterol, lipoprotein(a), and 30-year cardiovascular outcomes in women. N Engl J Med. DOI: 10.1056/NEJMoa2405182.

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