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De nouveaux traitements de la maladie de Fabry

La maladie de Fabry (MF) est une maladie lysosomale rare produite par des variants pathogènes dans le gène GLA situé sur le chromosome X, qui code pour l’enzyme alpha-galactosidase A.

Il résulte une accumulation des métabolites dont le Gb3 (globotriaosylceramide) et le LysoGb3 (globotriaosylsphingosine) dans différents organes et tissus, ce qui engendre les manifestations cliniques de la MF, qui sont prédominant cardiaques, rénales et cérébrales. Les manifestations cliniques sont différentes selon le sexe (les mâles hémizygotes sont généralement plus atteints que les femmes hétérozygotes) et le type de variant pathogène. Il est à noter cependant qu’il y a une variabilité d’expression de la maladie et que même au sein de la même famille les manifestations cliniques peuvent être diverses, ce qui fait penser que d’autres facteurs non encore identifiés contribuent à l’expression de la MF.


Deux types de MF ont été décrites : le type classique, caractérisé par la triade cœur-rein-cerveau et par des manifestations caractéristiques comme les douleurs des extrémités (acroparesthésies), l’atteinte cornéenne (cornée verticillée) et les angiokératomes à distribution prédominante en « région du caleçon ».

Le type « cardiaque » ou « late-onset » est caractérisé par une cardiomyopathie hypertrophique et des arythmies et apparait à un âge plus avancé. Un exemple de ce dernier type sont les variants p.Asn215Ser et p.Phe 113Leu. En l’absence du traitement, la MF réduit l’espérance de vie des patients. (1,2)



Enzymothérapie substitutive

Le principe de l’enzymothérapie substitutive (enzyme replacement therapy- ERT) est d’utiliser des protéines recombinantes, qui ont une structure semblable à l’alpha-galactosidase A, l’enzyme déficiente en MF. Deux molécules sont actuellement utilisées : l’agalsidase alpha (®REPLAGAL, Takeda Shire) et l’agalsidase beta (®FABRAZYME, Sanofi Genzyme). Il y a des différences entre les deux molécules en ce qui concerne le mode de synthèse : à partir des fibroblastes humains pour l’agalsidase alpha et à partir de cellules ovariennes d’hamster pour l’agalsidase beta. La dose est aussi différente : 0,2 mg/kg pour l’agalsidase alpha et 1 mg/kg pour l’agalsidase beta. Les études cliniques montrent une efficacité de l’ERT dans la diminution des dépôts de Gb3 dans différents organes et la réduction des complications à long terme de la MF, dont la cardiomyopathie et la progression de l’insuffisance rénale chronique. (3,4)


Le traitement par enzymothérapie devra être commencé précocement, avant l’instauration des complications majeures d’organe. Dans le cas des mâles hémizygotes atteints de la MF, le traitement peut être commencé dans l’enfance-adolescence, alors que chez les femmes hétérozygotes l’âge du début du traitement est débattu et variable, selon l’apparition des signes de la maladie cliniques, biologiques et d’imagerie.

La bio-distribution de l’ERT varie dans les différents organes selon le mode d’entrée de l’enzyme dans les cellules (« uptake »). Le mécanisme principal d’entrée est via l’endocytose médiée par le récepteur mannose-6-phosphate (M6P). Cependant ce récepteur n’est pas présent sur toutes les cellules et d’autres mécanismes non encore connus interviennent probablement dans ce processus. L’ERT ne passe pas la barrière hémato-encéphalique, mais l’implication de ce phénomène ne sont pas connus, compte tenu que les principales complications cérébrales de la MF sont les AIT et les AVC, dont la pathogénie est vasculaire.


Les effets secondaires de l’enzymothérapie substitutive sont principalement les réactions allergiques : urticaire, fièvre, dyspnée et plus rarement réactions anaphylactiques. L’apparition des anticorps anti alpha-galactosidase A recombinante a été associée avec une diminution de l’efficacité de l’ERT, objectivée par une moins bonne décroissance du lysoGb3. Des effets cliniques ont été également notés, dont l’accélération de la dégradation de la fonction rénale chez les patients ayant des anticorps positifs. (5,6)



Migalastat : la molécule chaperon

Le migalastat est un sucre iminé qui fonctionne comme inhibiteur de l’alpha-galactosidase A, mais à petites doses il améliore l’activité enzymatique. Le mécanisme d’action de cette molécule est de préserver la stabilité de l’alpha-galactosidase A naturelle. Cependant le migalastat nécessite la présence d’une protéine avec une activité catalytique préservée et qui présente des anomalies de structure qui peuvent être améliorées en présence du chaperon. L’éligibilité des variants au traitement par migalastat est établie à travers une étude in vitro, ou des cellules contenant le variant pathogène de la MF sont incubées avec du migalastat. Le résultat est l’augmentation de l’activité alpha-galactosidase A, qui peut varier de 1,2 fois à 30 fois la valeur de base. (7)


L’avantage majeur du migalastat est son mode d’administration orale et l’absence d’effets secondaires importants. Mais il est actif seulement pour certains variants pathogènes et compte tenu de son activité inhibitrice doit être administré 1 jour sur 2. Les études cliniques montrent une stabilisation de la dégradation rénale et de la masse cardiaque. (8,9 )


Pour le traitement par migalastat, la sélection des variants et le suivi thérapeutique clinique et biologique sont très importants. Lenders a rapporté récemment que les patients avec le variant p.Leu294Ser (initialement décrit comme répondeur) présentaient une augmentation du lysoGb3 et de l’albuminurie après arrêt de l’enzymothérapie et mise sous migalastat. Après des études in vitro, cette équipe a montré que le variant n’était pas finalement sensible à la molécule chaperon. (10)



Les nouvelles enzymothérapies

Les enzymes de seconde génération sont produites à partir des plantes, ne dépendent pas du récepteur M6P, ce qui fait penser qu’elles peuvent avoir une meilleure bio-distribution que l’ERT classique. Les deux enzymes sont Pegunigalsidase-alfa (Protalix Biotherapeutics) et Moss-aGal (Greenovation Biopharmaceuticals).


  • Pegunigalsidase-alfa

Cette enzyme (nommée aussi PRX-102) est produite dans des cultures de cellules du tabac. Des études in-vitro ont prouvé que PRX-102 entre bien dans les lysosomes et les modèles animaux ont montré des réductions des dépôts de Gb3 au niveau des reins et du cœur.


Les études de phase 1/2 sur des sujets humains ont montré un bon profil de sécurité et une demi-vie plus longue. L’étude de Schiffmann réalisée sur 16 patients, dont 11 mâles classiques, a montré une demi-vie moyenne de 80 heures (53-121 h, versus 1 h pour l’ERT de première génération). Les biopsies rénales ont montré une réduction significative des dépôts de Gb3 dans les capillaires péri-tubulaires, alors que le DFG est resté stable après 1 an de suivi. (11)


Les effets secondaires potentiels du PRX-102 pourraient être les réactions allergiques, compte tenu de la glycosylation propre aux plantes et de la structure pegylée. D’une autre part, la demi-vie plus longue pourrait aider à une meilleure exposition à l’enzyme et à une tolérisation plus facile. Des études de phase 3 sont en cours pour évaluer l’efficacité et le profil immunogène du PRX-102 sur des cohortes plus larges de patients.


  • Moss-aGal

Moss-aGal est une enzyme produite à partir d’une autre plante- la mousse. Elle entre dans les cellules par une endocytose dépendante du récepteur mannose (MR), différent du M6P. Des études sur des modèles murins ont montré une localisation dans le cœur et le rein similaire que celle de l’agalsidase alpha. Une étude de phase 1 sur des sujets atteints de la MF a montré un bon profil de sécurité, mais une demi-vie de seulement 14 minutes. (12)



Les inhibiteurs de substrat

Les inhibiteurs de substrat sont des petites molécules (toujours de sucres iminés) qui interfèrent avec les réactions métaboliques qui produisent les sphyngolipides toxiques dans la MF, en empêchant leur production. Ce principe est déjà utilisé dans le traitement des autres maladies lysosomales. Par exemple, l’eliglustat est une petite molécule approuvée pour le traitement de la maladie de Gaucher.


Les avantages des petites molécules sont l’administration orale, la biodisponibilité améliorée avec le passage de la barrière hémato-encéphalique et l’absence d’immunogénicité. Des questions se posent, par contre, sur la nécessité éventuelle d’une activité résiduelle de alpha-galactosidase A pour une bonne efficacité du traitement. (13)

Deux molécules sont actuellement à l’étude : le venglustat (Sanofi Genzyme) et le lucerastat (Idorsia). Dans une première étude, le venglustat administré chez des patients Fabry naïfs de traitement a réduit l’accumulation de Gb3 dans les biopsies cutanées ainsi que le lyso Gb3 plasmatique.


Le lucerastat e été étudié en adjonction a l’ERT, dans une étude préliminaire sur des patients Fabry. Après 12 semaines on avait noté des réductions plus importantes du Gb3 plasmatique et urinaire chez les patients ayant reçu le double traitement versus ceux traités par ERT uniquement. (14)



ARN messager et thérapie génique

Le but théorique des thérapies géniques et de corriger en une seule injection le défaut dans le gène responsable de maladie génétique. Différentes approches sont en cours d’être étudiées, comprenant différents vecteurs (retrovirus, lentivirus, adénovirus, adeno-associated virus etc.).


L’effet secondaire le plus redoutable rencontré dans les études de thérapie génique réalisées dans d’autres maladies que la MF a été l’insertion du transgène dans d’autres endroits que celui souhaité et notamment en proximité des gènes suppresseurs tumoraux, ce qui a engendré l’apparition des leucémies. Mais des nouvelles approches avec des vecteurs qui ne s’intègrent pas dans le génome sont en cours d’être étudiées permettant d’éviter ce type d’effet.


L’inflammation est un autre effet secondaire. Une dose trop grande d’adénovirus a engendré un accident en 1999, avec le décès d’un patient atteint de la déficience en ornithine transcarbamylase traité par thérapie génique. (15)

Un autre problème de la thérapie génique est de trouver la modalité technique de cibler efficacement les différents types cellulaires atteints: cardiomyocytes, cellules rénales etc.


  • La première étude de thérapie génique dans la MF a été publiée en février 2021 par l’équipe canadienne de Jeffrey Medin. La technique a été d’utiliser des cellules stem hématopoïétiques des patients atteints de MF, les traduire avec un vecteur lentiviral (AVR-RD-01, Avrobio) et de les réinjecter aux patients, après une préparation non-myéloablative par melphalan. Les résultats des 5 patients traités (dont le premier a complété 3 ans de suivi) ont été bons. L’activité alpha-galactosidase A a augmenté jusqu’aux niveaux rencontrés chez les personnes saines dès la première semaine suivant l’injection du vecteur et les niveaux de Gb3 et Lyso Gb3 ont diminué. Trois des cinq patients traités ont arrêté l’ERT. Les effets adverses ont été compatibles avec l’utilisation du traitement par melphalan : nausées, anorexie, neutropénie fébrile, infections de cathéter.

  • D’autres études utilisant des AAV (adeno-associated virus) sont en cours. La technologie consiste à injecter l’AAV, qui cible le foie et l’utilise pour produire l’alpha-galactosidase A. Le problème des AAV est l’apparition chez le receveur des anticorps anti-vecteur, qui empêchent l’injection d’une deuxième dose. Aussi, les cellules de l’organisme traduites avec le vecteur deviennent cible pour les lymphocytes CD8+. La tolérance des patients à l’enzyme synthétisée en réponse au vecteur pourrait aussi représenter un problème potentiel en MF, notamment chez les males hémizygotes qui n’ont pas d’enzyme endogène.

Une autre approche est l’utilisation de l’ARN messager. Ce produit est encapsulé dans des nanoparticules qui ciblent le foie, qui synthétise l’alpha-galactosidase A. L’avantage est une production quasi-naturelle de l’enzyme et l’absence d’intégration dans le génome. Le désavantage est l’effet transitoire, qui nécessité des injections répétées. Des études sur des modèles animaux de la MF ont montré des réductions du Gb3 au niveau cardiaque et rénal. (16)



Traitements adjuvants dans la MF

Les diverses manifestations cliniques de la MF nécessitent aussi des traitements spécifiques. Les acroparésthesies sont traitées souvent avec la carbamazepine. Le traitement avec des inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine (IEC) ainsi qu’avec des bloqueurs du récepteur de l’angiotensine (BRA) diminue la protéinurie et ralentit la progression de l’insuffisance rénale chronique chez les patients protéinuriques. La prévention des AVC par de l’aspirine ou clopidogrel est indiquée chez les patients à risque.


D’autres mesures sont aussi efficaces, comme l’arrêt du tabac, le traitement de l’hypertension et de la dyslipidémie. Les patients ayant de troubles de la conduction cardiaque ou une maladie du nœud sinusal nécessitent l’implantation d’un pacemaker, alors que ceux qui présentent des arythmies ventriculaires ou une fibrose cardiaque extensive bénéficient des défibrillateurs implantables.



Les thérapies de la MF sont dans une évolution continue. Si le traitement enzymatique reste le « gold standard », d’autres molécules sont en cours d’être étudies, en espérant de trouver des meilleures approches thérapeutique pour cette maladie.



Dr Oana Ailioaie Sanne J.van derVeen, Carla E. M.Hollak, André B. P.vanKuilenburg, MirjamLangeveld Journal of inherited metabolic disease 2020; 43(5): 908-21





Références :

  1. Germain DP. Fabry disease. Orphanet J Rare Dis. 2010; 5:30.

  2. Azevedo O, Gago MF, Miltenberger-Miltenyi G, et al. Natural history of the late-onset phenotype of Fabry disease due to the p.F113L mutation. Mol Genet Metab Rep. 2020;22:100565

  3. Schiffmann R, Kopp JB, Austin HA 3rd, Sabnis S, Moore DF, Weibel T, Balow JE, Brady RO. Enzyme replacement therapy in Fabry disease: a randomized controlled trial. J Am Med Assoc. 2001;285(21):2743-9.

  4. Germain DP, Charrow J, Desnick RJ, et al. Ten-year outcome of enzyme replacement therapy with agalsidase beta in patients with Fabry disease. J Med Genet. 2015; 52(5):353-8.

  5. Linthorst GE, Hollak CE, Donker-Koopman WE, et al. Enzyme therapy for Fabry disease: neutralizing antibodies toward agalsidase alpha and beta. Kidney Int. 2004; 66(4):1589-9

  6. van der Veen SJ, van Kuilenburg ABP, Hollak CEM, et al. Antibodies against recombinant alpha-galactosidase A in Fabry disease: Subclass analysis and impact on response to treatment. Mol Genet Metab. 2019; 126(2):162-168.

  7. Benjamin ER, Della Valle MC, Wu X, et al. The validation of pharmacogenetics for the identification of Fabry patients to be treated with migalastat. Genet Med. 2017; 19(4):430-438.

  8. Germain DP, Hughes DA, Nicholls K, et al. Treatment of Fabry's Disease with the Pharmacologic Chaperone Migalastat. N Engl J Med. 2016;375(6):545-55.

  9. Hughes DA, Nicholls K, Shankar SP, et al. Oral pharmacological chaperone migalastat compared with enzyme replacement therapy in Fabry disease: 18-month results from the randomised phase III ATTRACT study. J Med Genet. 2017;54(4):288-296.

  10. Lenders M, Stappers F, Niemietz C, et al. Mutation-specific Fabry disease patient-derived cell model to evaluate the amenability to chaperone therapy. J Med Genet. 2019; 56(8):548-556.

  11. Schiffmann R, Goker-Alpan O, Holida M, et al. Pegunigalsidase alfa, a novel PEGylated enzyme replacement therapy for Fabry disease, provides sustained plasma concentrations and favorable pharmacodynamics: A 1-year Phase 1/2 clinical trial. J Inherit Metab Dis. 2019; 42(3):534-544.

  12. Hennermann JB, Arash-Kaps L, Fekete G, et al. Pharmacokinetics, pharmacodynamics, and safety of moss-aGalactosidase A in patients with Fabry disease. J Inherit Metab Dis. 2019 ; 42(3):527-533.

  13. Platt FM, Jeyakumar M. Substrate reduction therapy. Acta Paediatr. 2008 ; 97(457):88-93.

  14. Deegan P, Germain DP, Goker-Alpan O, et al. Three year open label phase 2a investigation of venglustat safety and exploratory efficacy in classic Fabry patients. Book of abstracts SSIEM 2019 ; JIMD 42 2019 ; Supl. 1 9 :0-019.

  15. Stolberg SG. The biotech death of Jesse Gelsinger. N Y Times Mag. (1999):136–40, 49–50.

  16. Zhu X, Yin L, Theisen M, et al. Systemic mRNA Therapy for the Treatment of Fabry Disease: Preclinical Studies in Wild-Type Mice, Fabry Mouse Model, and Wild-Type Non-human Primates. Am J Hum Genet. 2019; 104(4):625-637.


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