Le chikungunya est une maladie importante du voyageur de retour de zones endémiques en raison de son expansion géographique rapide et de son potentiel de morbidité prolongée. Une meilleure compréhension de l’épidémiologie des infections à chikungunya liées aux voyages pourrait influencer les stratégies de prévention, notamment l’éducation et la vaccination. Une récente étude publiée dans le « Journal of travel medicine » et analysant les données de 1 202 voyageurs atteints de chikungunya signalés aux sites GeoSentinel de 2005 à 2020 [1], a montré que la plupart des infections ont été contractées dans les Caraïbes (28,8%), en Asie du Sud-Est (22,8%), en Asie centrale du Sud (14,2%) et en Amérique du Sud (14,2%). Les nombres les plus élevés de cas de chikungunya signalés à GeoSentinel ont eu lieu en 2014 (28,3%), 2015 (14,3%) et 2019 (11,9%). Chez les voyageurs atteints de chikungunya, les symptômes les plus fréquemment signalés comprenaient les symptômes musculosquelettiques (98,8%), un syndrome grippal (68,7%) et des symptômes dermatologiques (35,5%). Enfin, parmi les 917 voyageurs disposant d’informations médicales, seules 296 personnes (32,3%) ont eu une consultation dédiée avant leur voyage. Ainsi, le chikungunya a été acquis par des voyageurs internationaux dans près de 100 destinations à travers le monde et les précautions anti-vectorielles, lorsqu'elles sont recommandées, doivent être intégrées aux visites préalables au voyage pour les voyageurs se rendant dans des zones endémiques. Une surveillance continue du chikungunya lié aux voyages peut aider les responsables de la santé publique et les cliniciens à limiter la transmission de cette maladie potentiellement débilitante en définissant les régions où des mesures de protection devraient être fortement envisagées.
En effet, hors la phase aigüe de la maladie, le post-chikungunya peut s'accompagner de complications qu'il convient de connaître. Ainsi, une étude de cohorte rétrospective monocentrique espagnole, publiée dans la revue « Travel medicine and infectious disease », a été conduite afin de décrire les complications post-chikungunya développées de manière chronique chez les voyageurs de retour de certaines régions épidémiques et/ou endémiques, et les variables associées à la progression des cas aigus ou subaigus vers la phase chronique [2]. Seuls 25,6% des patients ont bénéficié d'une consultation dédiée avant le voyage. La plupart des patients ont signalé des arthralgies, ayant un impact significatif sur leur qualité de vie quotidienne (86%). La durée moyenne des symptômes articulaires était de 129,4 jours, les facteurs associés à l'arthralgie chronique comprenant le sexe féminin, le pays d'infection, l'âge au moment du diagnostic, les antécédents médicaux, les symptômes pendant la phase aiguë, les antécédents de douleurs tendineuses et/ou articulaires, la gravité de la phase aiguë et divers marqueurs de laboratoire tels que l'hémoglobine, l'hématocrite, la bilirubine sérique totale et la créatinine. Enfin, des schémas thérapeutiques ciblés ont conduit à des améliorations significatives chez ces patients. Ainsi, cette étude souligne la nécessité d'avoir : (1) des conseils complets avant le voyage ; (2) une prise en charge efficace des patients dans des unités spécialisées, parallèlement à un diagnostic et un traitement précoces ; et (3) l'élaboration de recommandations interdisciplinaires visant à aider les médecins à traiter les patients le plus précocement possible.
D'autre part, les grandes épidémies de chikungunya, tout comme de dengue, observées au cours de la dernière décennie à travers le monde, ainsi que les transmissions locales dans les zones non endémiques, constituent une préoccupation croissante pour la sécurité transfusionnelle. Aussi, une étude, publiée dans la revue « Transfusion », a permis d'évaluer et de comparer la sensibilité des tests d'acide nucléique détectant l'ARN du chikungunya et de la dengue [3]. Les tests détectant l'ARN du chikungunya développés pour le dépistage des donneurs de sang évalués ont démontré des performances analytiques élevées et similaires. Ainsi, sous réserve d'une évaluation appropriée des risques et des bénéfices, ils peuvent être utilisés pour renforcer la sécurité du sang lors d'épidémies, évitant ainsi l'exclusion systématique des donneurs de sang en période épidémique.
Enfin, la morbi-mortalité imputable aux maladies infectieuses saisonnières sont des problèmes de santé publique mondiaux courants. Les maladies virales à transmission vectorielle comme la dengue et le chikungunya ont un impact financier important sur les systèmes de santé. Selon une récente revue de littérature, publiée dans la revue « Health Science Reports », si les stratégies de santé publique visant à contrôler les moustiques vecteurs pendant la mousson tropicale semblent efficaces, il semble cependant pratiquement impossible de les éliminer complètement [4]. Les nombreux facteurs associés à l'industrialisation, à l'urbanisation, à la densité de population ainsi que l'intensification des voyages internationaux expliquant cette difficulté. Ainsi, la transmission virale est une situation difficile à résoudre, le vecteur survivant dans des conditions de températures et d’écologies diverses et étant résistant aux principaux insecticides. De meilleures mesures de contrôle vectoriel et une meilleure compréhension des arboviroses sont ainsi essentielles pour contrer les épidémies et minimiser la morbi-mortalité associée.
Author: Dr Emmanuel GROSS
Références
[1]. Chikungunya infection in returned travellers: results from the GeoSentinel network, 2005–2020. Rachel Bierbrier et al. ‐ Journal of travel medicine 2024; 31(2): 1-8 [source]
[2]. Clinical Profile and Management of a Spanish Single-Center Retrospective Cohort of Patients with Post-Chikungunya Associated Complications. de la Calle-Prieto, Fernando et al. ‐ Travel medicine and infectious disease 2024; AOP:10.1016/j.tmaid.2024.102726 [source]
[3]. Evaluation of assays for nucleic acid testing for the prevention of chikungunya and dengue virus transmission by blood transfusion. Pierre Gallian et al. ‐ Transfusion 2024; AOP: 10.1111/trf.17921 [source]
[4]. Global health concern on the rising dengue and chikungunya cases in the American regions: Countermeasures and preparedness. Ranjan K. Mohapatra et al. ‐ Health Science Reports 2024; 7(1): 1831 [source]
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