MATCH - IINTELLIGENCE ARTIFICIELLE VS SCORES CLINIQUES TRADITIONNELS : 1 A 0 !
La maladie coronaire est souvent considérée comme une maladie binaire. On déclare le patient malade lorsqu’il a fait un événement coronaire ou lorsqu’il a eu un diagnostic angiographique de maladie coronaire anatomique. De nombreux scores cliniques ont été développés comme le risque européen SCORE2 développé par la Société Européenne de Cardiologie très récemment en 2021. Ces scores cliniques sont basés sur des variables connues, comme les facteurs de risque de la maladie cardiovasculaire (tabac, LDL-C, hypertension, diabète). Ces scores cliniques laissent de côté les facteurs de risque liés à la vie quotidienne, en particulier les facteurs socio-économiques et environnementaux. De manière parallèle, nous avons désormais accès à l’ensemble des données de santé d’un sujet car les données de santé d’un sujet sont rassemblées dans les bases informatisées de données nationales et internationales comme le SNDS en France.
Le but de cet article a été de savoir si la performance obtenue à partir de ces données de santé permettait de discriminer les patients malades des sujets sains et surtout de caractériser la progressivité de la maladie coronaire depuis les formes mineures jusqu’aux formes les plus sévères.
Les auteurs ont utilisé deux bases de données, l’une aux États-Unis à New York et l’autre au niveau de la population anglaise ; il s’agissait de la banque en population générale BioMe et de la banque anglaise en population générale, l’UK Biobank. Ce travail comportait ainsi 95 935 sujets provenant des deux bio-banques. Le modèle d’intelligence artificielle a été d’abord évalué sue la banque américaine BioMe puis a été validé de manière externe sur la banque anglaise, l’UK Biobank. Le modèle d’intelligence artificielle avait pour but d’individualiser les patients porteurs d’une maladie coronaire qu’il s’agisse d’une sténose sur une artère coronaire, d’une obstruction sur une artère coronaire, d’une maladie coronaire portant sur plusieurs vaisseaux, de la mortalité totale et des séquelles de la maladie coronaire c’est-à-dire un infarctus du myocarde récurrent, des arythmies cardiaques ou d’une insuffisance cardiaque après le diagnostic de maladie coronaire.
Dans la bio-banque américaine BioMe, la sensibilité du modèle d’intelligence artificielle était de 0,90 à 0,94, la spécificité de 0,82 à 0,88, la valeur prédictive négative était de 0,89 à 0,93, la valeur prédictive positive était de 0,84 à 0,88. Dans le modèle de validation externe, c’est-à-dire l’UK Biobank en Angleterre, la sensibilité était de 0,84, la spécificité de 0,83, la valeur prédictive négative était de 0,84 et la valeur prédictive positive était de 0,83. En d’autres termes, les informations incluses dans les bases de données de santé permettaient d’individualiser de manière très performante les patients porteurs d’une maladie coronaire avérée.
Le modèle d’intelligence artificielle a également été testé vis-à-vis de la sévérité de la maladie coronaire. Le modèle permet ainsi de discriminer les patients qui ont eu un cathétérisme cardiaque, permet de repérer ceux qui ont des sténoses coronaires plus sévères, ceux qui ont une diffusion plus grande de la maladie coronaire athéroscléreuse évaluée par le score SYNTAX et le score permet également de repérer l’atteinte des coronaires au niveau de chaque territoire coronaire, gauche et droit.
Le modèle a également été utilisé pour prédire la mortalité totale. Du premier décile au 10e décile du modèle d’intelligence artificielle, le risque relatif de décès passe de 1 à 56. Le modèle permet également de repérer les patients qui vont avoir une rechute après le diagnostic de maladie coronaire ; le modèle permet ainsi de repérer ceux qui vont avoir un infarctus du myocarde récurrent ou une insuffisance cardiaque à la suite de l’infarctus du myocarde. Le modèle d’intelligence artificielle est également étroitement associé aux formules de risque cardio-vasculaire classique telles que la formule américaine du risque cardio-vasculaire à long terme à 10 ans. Enfin, le modèle permet d’individualiser les patients chez qui le diagnostic « clinique » de maladie coronaire n’a pas été encore fait. Chez les patients qui ont une forte probabilité au modèle d’intelligence artificielle d’avoir une maladie coronaire silencieuse, l’analyse précise du dossier médical permet de retrouver des formes asymptomatiques de la maladie coronaire.
Les bases de données en santé sont de formidables ressources pour avoir une multitude de données liées à la maladie mais aussi à l’état clinique, et donnent l’accès à l’information sur le niveau des facteurs de risque classique et des facteurs de risques non traditionnels. L’intelligence artificielle permet de construire des modèles intégrant la totalité des variables qui peuvent influencer la santé mais aussi l’espérance de vie. L’intelligence artificielle permet enfin d’évaluer la maladie coronaire dans toutes ses dimensions depuis le diagnostic infra-clinique jusqu’à la diffusion de la maladie coronaire au niveau des différentes artères et des différents segments coronaires. L’intelligence artificielle permet ainsi de dépasser le modèle traditionnel basé sur les facteurs de risque connus en utilisant des données déjà disponibles sans avoir recours à un examen clinique de plus et à des examens supplémentaires coûteux car certains ont déjà été faits. L’avenir dira si les hébergeurs de données de santé sont susceptibles de promouvoir le partage des données afin de dépister la maladie coronaire à large échelle sans susciter des consultations médicales supplémentaires.
Professeur Jean Ferrières
Référence : Forrest IS, Petrazzini BO, Duffy Á,et al. Machine learning-based marker for coronary artery disease: derivation and validation in two longitudinal cohorts. Lancet. 2023 Jan 21;401(10372):215-225. doi: 10.1016/S0140-6736(22)02079-7.
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