top of page

L’Ongle en Médecine Interne : Toutes Griffes Dehors

L’appareil unguéal, si petit soit-il, est en mesure de fournir de précieux renseignements concernant l’état physique du patient. En effet les modifications au niveau de l’ongle peuvent être sur les plans forme, couleur et aspect.

A travers certaines modifications unguéales nous allons exposer les différentes pathologies sous-jacentes susceptibles ou d’être évoquées ou bien d’expliquer ces modifications.


La koilonychie, aussi connue sous le nom d'ongle cuillère (ou « spoon-shaped nail») est une dépression de la lame unguéale donnant à celle-ci une forme concave. Cette anomalie peut être idiopathique ou physiologique et se corriger avec l'âge, sans traduire de pathologie spécifique (1) ; mais elle peut aussi être un stigmate de dermatoses inflammatoires (psoriasis, lichen, pelade), de certaines onychomycoses, d'onychotillomanie, et est surtout associée à l'anémie ferriprive. Elle peut également être la conséquence d'un traumatisme secondaire à des expositions permanentes aux hydrocarbures (2,3).




L'hippocratisme digital, contrairement à la koilonychie, est une exagération de la courbature de l'ongle dans les sens longitudinal et transversal, dû à un épaississement du tissu sous cutané au niveau de la lame unguéale proximale. Il peut être idiopathique, familial ou acquis. Les affections pulmonaires (bronchites chroniques, asbestose), ainsi que les cardiopathies congénitales, hépatiques (cirrhoses) et digestives (inflammations chroniques des intestins) représentent les étiologies les plus fréquentes (4,5).

Cette anomalie peut être appréciée ou évaluée avec deux manœuvres qui sont :

- Le calcul de L’angle de Lovibond : angle que fait la courbure de la lame unguéale avec le bord distal de l'ongle. Il est normalement de 160° et peut dépasser les 180° en cas d’hippocratisme.

- Le signe de Shamroth : disparition de la fenêtre elliptique formée par les courbures dorsales des pouces, normalement visible lorsqu'ils sont positionnés en face à face.




Le Half and Half Nail syndrome, ou signe de Lindsay, est une division de l'ongle en deux moitiés de couleurs différentes : la partie proximale pâle (leuconychie apparente), et la partie distale rose. Il est spécifique de l'insuffisance rénale et a été rapporté chez des patients atteints de la maladie de Crohn (6,7,8). De nombreux patient ne remarquent pas cette modification, et par conséquent les médecins ne négligent jamais l'examen des ongles lors de la recherche de signes révélateurs.





Le syndrome des ongles jaunes se caractérise par la coloration spécifique des ongles, une exagération de la convexité ainsi qu'un épaississement de la lame unguéale et englobe les aspects précédemment décrit ainsi que l'atteinte pulmonaire et le lymphœdème. Il est souvent retrouvé chez les personnes de plus de cinquante ans souffrantes de bronchites chroniques, de sinusites, de pleurésies, d’immunodéficience, d'arthrite rhumatismale ou chez les patients traités par des thiols.

Son étiologie demeure inconnu, même si l’hypoalbuminémie est évoquée comme une origine du lymphœdème, et certains auteur considèrent ce syndrome comme un syndrome paranéoplasique. La Vitamine E per os associée aux triazolés (antimycosiques) a permis d’améliorer certains cas (9,10).




Les Bandes Blanches de Muehrcke sont des bandes blanches (leuconychie apparente) parallèles à la lunule et séparé et de la lunule et entre elles par l'ongle rosé, dues à un trouble de la vascularisation du lit de l'ongle. Elles traduisent principalement une hypoalbuminémie et disparaissent quand le taux de sérum-albumine revient à la normale, mais elle peuvent aussi être déclenchées par des médicaments cyto-toxiques ou après trauma, de façon unilatérale. Certains auteurs ont également rapporté la présence de ces bandes chez des patients psoriasique (11,12,13).



L’Ongle de Terry est une leuconychie apparente qui camoufle la lunule et qui s’arrête brusquement à 1 ou 2 mm du bord distal de la tablette. Cette modification a été essentiellement décrite chez les cirrhotiques mais elle peut s’observer au cours de l’insuffisance cardiaque congestive chronique, du diabète ainsi que chez les sujets âgés (8). Cet aspect serait dû à une hypo vascularisation du lit de l’ongle et une prolifération du tissu conjonctif.





Les Tumeurs de Koenen sont des tumeurs bénignes (fibromes) multiples qui émanent des replis proximaux et latéraux de l’appareil unguéal. Ce sont des nodules ronds ou ovalaires rencontrés chez la moitié des personnes souffrant de sclérose tubéreuse de Bourneville. Il arrive qu’elles soient l’unique signe clinique de la maladie. Localement, elles peuvent engendrer des modifications de l’aspect de l’ongle et être à l’origine de douleur et de gêne fonctionnelle (14,15,16,17).





En conclusion, l’examen des ongles ne doit jamais être négligé car il peut être porteur de précieux renseignements ou être annonciateur d’états pathologiques non encore exprimés.



Prof. Nejib DOSS - Dermatologue





Références :

1. J Walker , R Baran , N Vélez , N Jellinek. Koilonychia: an update on pathophysiology, differential diagnosis and clinical relevance. J Eur Acad Dermatol Venereol. 2016 Nov ;30(11):1985-1991.

2. Litaiem N, Charfi O, Bacha T. Zeglaoui F. Koilonychia in a Patient with Alopecia Areata. J Clin Aesthet Dermatol. 2021 Feb; 14(2): 42–43.

3. Balestri R, Rech G, Girardelli CR, Piraccini BM, La Placa M. Acute Koilonychia of Fingernails due to Lye. Skin Appendage Disord. 2017 Jan ; 2(3-4) : 183–184.

4. Olivia A Charlton , Philippa Dickison , Saxon D Smith , Simon D Roger Nail clubbing in laxative abuse: case report and review of the literature J Eat Disord. 2019 Mar 5 ;7 :6.

5. Shinsuke Nakazawa , Hironori Niizeki , Kazuhiko Nakabayashi , Keiji Tanese , Yoshiki Tokura Congenital nail clubbing. J Dermatol . 2019 Mar ;46(3) : e101-e102.

6. Rie Kunitomo , Hidehito Matsubara , Shinya Kaname. Half-and-half nail. Clin Exp Nephrol 2021 Aug ;25(8) :911-912.

7. Pellegrino M, Taddeucci P, Mei S, Peccianti C, Fimiani M.J Half-and-half nail in a patient with Crohn's disease. Eur Acad Dermatol Venereol. 2010 Nov ;24(11) :1366-7.

8. Iorizzo M, Starace M, Pasch MC Leukonychia: What Can White Nails Tell Us? Am J Clin Dermatol 2022 Mar ;23(2) :177-193.

9. Vignes S. Baran R. Yellow nail syndrome : a review Orphanet J Rare Dis. 2017 Feb 27 ;12(1) :42.

10. Abdalla A , Jamous F. Yellow Nail Syndrome: A Case Presentation and a Review of Management Options S D Med . 2021 Aug;74(8):368-371.

11. Chang X, Zhen P, Zeng J. Fingernails changes associated with chemotherapy in breast cancer : Muehrcke's lines. Clin Case Rep. 2018 Jul 3 ;6(8):1653-1654.

12. Dasanu CA, Ichim TE, Alexandrescu DT. Muehrcke's lines (Leukonychia striata) due to transretinoic acid therapy for acute promyelocytic leukemia.Oncol Pharm Pract. 2013 Dec ;19(4) :377-9.

13. Mohaghegh F, Danesh F. Muehrcke's lines in a psoriatic patient : A possible association with acitretin therapy. Clin Case Rep. 2019 Oct ; 7 ;(11) :2212-2214.

14. Baran R , Richert B. Common nail tumors. Dermatol Clin . 2006 Jul;24(3):297-311.

15. Jindal R , Dvivedi S, Sethi S Giant Koenen tumors involving 20 nails ; Indian J Dermatol Venereol Leprol. 2021 Sep-Oct;87(5):734-735.

16. Liebman JJ , Nigro LC, Matthews MS. Koenen tumors in tuberous sclerosis: a review and clinical considerations for treatment Ann Plast Surg. 2014 Dec;73(6):721-2.

17. Quist SR, Franke I, Sutter C, Bartram CR, Gollnick HP, Leverkus M. Periungual fibroma (Koenen tumors) as isolated sign of tuberous sclerosis complex with tuberous sclerosis complex 1 germline mutation. J Am Acad Dermatol. 2010 Jan;62(1):159-161.

Comments


TITRE.png
bottom of page