Aux États-Unis, une part importante de la population carcérale souffre de troubles liés à l'utilisation de substances, avec environ 47 % des adultes dans les établissements correctionnels répondant aux critères de dépendance. Les individus atteints de trouble de l'usage d'opioïdes (TUO) sont particulièrement sur-représentés dans les prisons, ce qui augmente leur risque de sevrage, de rechute et de surdose après leur libération. Bien que les traitements médicamenteux pour le TUO, tels que la buprénorphine et la méthadone, soient efficaces, leur disponibilité en milieu carcéral reste limitée. En général, la buprénorphine sublinguale est le traitement standard aux USA, elle pose régulièrement des questions ou des problèmes du fait de la logistique nécessaire à une délivrance quotidienne et des trafics qui peuvent exister avec ce type de traitement en milieu carcéral. L’accès à la buprénorphine à libération prolongée (BAP), qui pourrait simplifier et améliorer la continuité des soins, est rare en raison de son coût élevé, notamment en milieu institutionnel. Nous avons en France, la même problématique en population générale, avec la difficulté à trouver un financement pérenne pour cette galénique prometteuse.
O'Connor et al., ont mené dans le Maine, un comté rural américain touché par la crise des opioïdes, un projet pilote a été mis en place en 2022 pour élargir l'accès au traitement par BAP à tous les détenus souffrant de TUO. Ce projet, soutenu par des financements publics, a été dirigé par un spécialiste en addictologie. Le personnel de la prison a collaboré avec les autorités de santé pour comparer les résultats post-libération des détenus traités par buprénorphine d’action prolongée (BAP), avec ceux d'une prison comparable utilisant uniquement la buprénorphine sublinguale (BSL). L'objectif était d'évaluer si l'injection mensuelle permettait une meilleure continuité des soins et réduit le risque de surdose après la libération.
Entre septembre 2022 et septembre 2023, 70 individus ayant reçu de la BAP ont été libérés de la prison pilote, tandis que 130 individus ayant reçu de la BSL ont été libérés de la prison de comparaison. Après ajustement pour l'âge, le sexe et l'utilisation de buprénorphine à l'entrée en prison, les individus libérés de la prison pilote avaient près de trois fois plus de chances (RR ajusté = 2,67, IC 95 % [1,84 - 3,88]) de continuer le traitement par buprénorphine après leur libération par rapport à ceux de la prison de comparaison. De plus, l'utilisation de BAP a permis dans cette étude d'élargir l'accès au traitement du TUO de manière adaptée et a réduit le détournement de médicaments. Ces résultats fournissent des arguments solides de la supériorité de BAP par rapport à la BSL pour le traitement du TUO en milieu carcéral, d’autant plus que cette supériorité à également été démontrée en milieu ordinaire grand publique par Marsden et al. 2023 au Royaume-Uni.
Ces données très prometteuses soulignent une fois de plus la nécessité d'améliorer l'accès à ce traitement et sa généralisation, quel que soit le contexte dans lequel se trouve le patient, afin d'éviter à tout prix les interruptions de traitement.
Commented by : Dr Julien CABE
Source : Health & justice 2024 Jun; 12(1): 28
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