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LE COEUR ARTIFICIEL IMPLANTABLE, SI PRES MAIS ENCORE SI LOIN !

Les maladies cardiovasculaires sont la première cause de mortalité au monde et l’insuffisance cardiaque affecte environ 2 % de la population adulte au niveau mondial. La prévalence de l’insuffisance cardiaque augmentera de manière très importante dans les années à venir à cause du vieillissement de la population. On estime qu’en 2030, aux États-Unis, 1 sujet sur 33 présentera une insuffisance cardiaque. La transplantation cardiaque est la solution idéale pour le patient insuffisant cardiaque. En 2018, plus de 2500 patients étaient en attente de greffe cardiaque aux États-Unis. Les systèmes d’assistance circulatoire existent déjà, en particulier les systèmes d’assistance circulatoire gauche qui sont très utilisés. On estime, toujours aux États-Unis, qu’environ 3000 pompes ventriculaires gauches sont implantées chaque année en attente de transplantation ou comme solution définitive. L’assistance ventriculaire gauche est une solution pour les patients qui présentent une insuffisance cardiaque à prédominance gauche mais ces machines ne sont pas adaptées pour les patients qui présentent une insuffisance cardiaque bi- ventriculaires, ce qui empêche l’utilisation d’une assistance mono-ventriculaire gauche.

Un cœur artificiel total est une pompe implantable qui remplace les ventricules endommagés. En 1969, le premier cœur implantable a été mis en place chez un patient pour la première fois. Il s’agissait de l’implantation du cœur Liotta-Cooley chez un patient de 47 ans ; ce cœur artificiel a aidé le patient pendant 64 heures après lesquelles il a été transplanté. Cela a pris 10 années après cette première implantation pour qu’un autre cœur artificiel soit implanté en 1981 et il s’agissait du cœur Akutsu, mis en place chez un homme de 36 ans. Ce cœur a aidé le patient pendant 55 heures et ce patient a été ensuite transplanté. La troisième implantation de cœur artificiel a eu lieu en 1982 avec le fameux cœur Jarvik-7 chez un patient de 61 ans en insuffisance cardiaque congestive. Ce patient est mort de choc circulatoire 112 jours après l’implantation.


Quels sont les trois types de mécanismes qui sont utilisés pour envisager un cœur artificiel total ? Le premier système est basé sur un écoulement des fluides ; c’est le système qui a été utilisé pour le cœur artificiel de Liotta-Cooley et de Jarvik-7. Le système motorisé est en dehors de l’organisme et ce sont donc des câbles dans lesquels les fluides pressurisés circulent qui manœuvrent le cœur artificiel. En fonction du type de pompe, les chambres cardiaques droites et les chambres cardiaques gauches éjectent le sang de manière simultanée ou de manière alternative. Les systèmes les plus récents comme le système CARMAT ont une pompe implantée dans le corps évitant ainsi la nécessité de câbles traversant la peau. Cependant, d’autres câbles sont utilisés pour amener l’énergie à la pompe. Deux systèmes de ce type sont actuellement utilisés, le système SynCardia et le système CARMAT. Le système SynCardia date de 40 ans puisqu’en 1982, il y a eu la première implantation chez un patient. Le modèle SynCardia utilise des ventricules indépendants et une membrane en polyuréthane sépare le sang des chambres pneumatiques. La pression dans les chambres pneumatiques est générée par une pompe qui est à l’extérieur du corps et qui est connectée avec des câbles. Le système SynCardia a eu l’approbation européenne et américaine et a été utilisé chez plus de 1700 patients dans le monde.


Le système CARMAT est également un système hydraulique qui a reçu les autorisations requises. Le système CARMAT a une chambre ventriculaire droite et une chambre ventriculaire gauche séparées par une membrane biocompatible faite avec du péricarde de bœuf. La pompe est à l’intérieur du système CARMAT ce qui fait que le système CARMAT est plus volumineux que le système SynCardia. Bien qu’il n’y ait pas de câbles pour la pression, des câbles restent nécessaires pour amener l’électricité au système CARMAT.

Le deuxième système est un système dit mécanique et il y a également deux chambres ventriculaires. Comme le système basé sur des fluides, le système mécanique utilise un moteur électrique qui pousse des plateaux contre les chambres sanguines. En comparaison avec les systèmes précédents, les systèmes mécaniques sont moins encombrants. Ces systèmes n’ont pas fait l’objet d’études cliniques pour l’instant.

Le troisième type de cœur artificiel est basé sur un flux continu. Les désavantages principaux des deux premiers systèmes sont basés sur le fait qu’ils nécessitent des chambres de collection avec des membranes flexibles. Par conséquent, ces matériaux sont souvent volumineux et ne sont pas adaptés aux patients de petite taille tels que les enfants et certaines femmes. Les pompes à flux continu ont été introduites comme une solution alternative car elles n’utilisent pas de valves, ni de membranes ou de chambres ventriculaires. Ces systèmes sont donc plus petits et plus légers que les autres systèmes et les moteurs agissent dans une seule direction. Le problème est représenté par le flux sanguin continu car il y a chez l’homme une pulsatilité de l’éjection ventriculaire gauche qui n’est pas reproduite par ce système-là.


Le problème principal de tous les systèmes d’assistance ventriculaire totale est de trouver un compromis entre l’éjection ventriculaire droite et l’éjection ventriculaire gauche. En physiologie, le débit ventriculaire gauche est légèrement supérieur au débit du ventricule droit, parce qu’une partie du sang qui sort de l’aorte va dans les artères broncho-pulmonaires et le parenchyme pulmonaire et ce sang va se drainer dans l’oreillette gauche. Ainsi, une partie du sang qui est éjecté par le ventricule gauche retourne à l’oreillette gauche sans passer par la circulation droite. Chez le sujet sain cela représente à peu près 1 % du débit cardiaque. Cependant chez les patients porteurs de maladies pulmonaires, ce shunt peut représenter jusqu’à un tiers de l’éjection ventriculaire gauche. Le cœur natif équilibre la circulation systémique et la circulation pulmonaire par un mécanisme qui s’appelle le mécanisme de Frank- Starling; cette équation est difficile à reproduire dans les systèmes de cœur artificiel ce qui explique les complications sévères telles que les œdèmes pulmonaires et les insuffisances respiratoires. Par conséquent, la régulation des circulations systémiques et pulmonaires est un challenge très important dans les cœurs artificiels. Les deux systèmes utilisés c’est-à-dire le système SynCardia et le système CARMAT ont intégré des technologies qui permettent de s’adapter à cette circulation différentielle.


De nombreux essais cliniques ont été réalisés avec les cœurs artificiels mais simplement 9 cœurs artificiels différents ont été testés chez l’homme : AbioCor, Brno TAH, CARMAT, LVAD-TAH, Penn State pneumatic TAH, Phoenix, Poisk TAH, SynCardia et Vienna TAH. Tous ces systèmes sont pneumatiques ou hydrauliques et un seul a un débit continu (LVAD-TAH). Le système AbioCor a été utilisé chez 11 patients et la durée maximum a été de 512 jours. Le cœur artificiel CARMAT a été utilisé chez 24 patients et la durée maximale a été de 308 jours. Le cœur artificiel le plus développé, c’est-à-dire le système SynCardia, a été utilisé chez plus de 1700 patients et la durée maximale d’utilisation a été de 4,5 ans. Bien que ce système SynCardia soit très utilisé, de nombreux problèmes peuvent survenir : les câbles qui traversent la peau sont des sources d’infection et le matériel lui-même peut causer une médiastinite ou une péricardite constructive. À plus long terme, le système SynCardia peut occasionner une défaillance multi-organes, des complications thrombo-emboliques, et des infections. Le système hydraulique CARMAT est en théorie plus adaptée car ce système est basé sur des matériaux biocompatibles. Les causes de décès avec ce système correspondent à des défaillances multi-organes, des problèmes mécaniques et des insuffisances respiratoires. À ce jour, seuls les systèmes SynCardia et CARMAT ont obtenu une autorisation pour servir de relais avant une transplantation.

Plusieurs évolutions technologiques sont à attendre. Le patient doit supporter des câbles percutanés qui amènent l’énergie au cœur artificiel. Le but de l’évolution technologique est de supprimer ces câbles et de transférer l’électricité à travers la peau. Une partie de l’énergie peut être stockée dans des batteries internes ; cependant, ces systèmes de transfert de l’énergie électrique sont compliqués. À ce jour, seul le système AbioCor utilise un tel transfert d’énergie chez des patients en espérant ainsi que les patients pourront être libres de mouvements pendant une période d’environ une heure.


Le deuxième challenge de l’avenir est représenté par la biocompatibilité. Cependant, même après 5 décennies de recherche, nous sommes toujours incapables de créer un pseudo-endothélium à l’intérieur des ventricules du cœur artificiel.

En conclusion, après plus de 6 décennies de recherche, le cœur artificiel a été implanté avec succès chez plus de 1700 patients en attente de transplantation, mais aucune implantation n’a été réalisée en tant qu’implantation définitive. Les difficultés principales des cœurs artificiels sont le taux élevé de complications, le volume du système, la durabilité limitée, la faible bio-compatibilité et la mauvaise qualité de vie pour les patients. Avec le développement des batteries et des systèmes de transfert d’énergie, les câbles transcutanés ne sont plus nécessaires pour amener le courant électrique au cœur artificiel. Des cœurs artificiels avec un système interne sont plus souple et devraient permettre d’éliminer beaucoup d’effets indésirables. Toutes ces innovations thérapeutiques laissent envisager de voir un jour un cœur artificiel implantable pour une utilisation définitive chez les patients.



Professeur Jean Ferrières



Référence : Vis A, Arfaee M, Khambati H, Slaughter MS, Gummert JF, Overvelde JTB, Kluin J. The ongoing quest for the first total artificial heart as destination therapy. Nat Rev Cardiol. 2022 Dec;19(12):813-828.

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