La télémédecine a montré des résultats prometteurs dans le suivi des patients atteints de maladies inflammatoires de l'intestin. Une étude a voulu mesurer les bénéfices attendus d'un suivi digital par rapport aux soins standard.
Dans cette étude prospective multicentrique, les patients atteints d'une maladie intestinale inflammatoire active ont été randomisés vers la plateforme de télémédecine (EasyMICI-MaMICI®) ou vers les soins standard. L'objectif principal était d'évaluer l'efficacité de la plateforme digitale, via la qualité de vie et la qualité des soins. Les critères de jugement secondaires étaient les changements dans l'utilisation des ressources de soins de santé et la satisfaction des patients dans le groupe digital.
Cinquante-quatre patients ont été recrutés : 59,3 % avaient la maladie de Crohn et 40,7 % la colite ulcéreuse. Quarante-deux patients ont reçu des produits biologiques à l'inclusion.
Après 12 mois, une amélioration significative de la qualité de vie a été observée avec l’outil digital par rapport aux soins standard.
L'activité de la maladie était similaire dans les deux groupes de traitement. L'utilisation de l’outil digital a légèrement réduit l'utilisation des soins de santé par rapport aux témoins (moyenne des consultations de gastro-entérologue 2,2 contre 4,1 ; p = 0,1308). La satisfaction globale à l'égard de l’outil digital était élevée (score moyen de 7/10) et 46,2 % des patients ont continué à utiliser la plateforme jusqu'à 12 mois.
Pour en savoir plus sur l’intérêt des outils digitaux dans les maladies chroniques, nous sommes allés voir l’un des auteurs de cette publication : Guillaume Bonnaud, gastroentérologue à la clinique Ambroise Paré de Toulouse.
Pour Guillaume Bonnaud, le paramètre primordial d’un outil digital reste l’interconnectivité. Les outils doivent communiquer entre eux et vers les médecins (ne serait-ce que pour avoir accès aux données patients !). Il faudrait aussi que ces outils soient liés à l’information autour de la prescription : actuellement le médecin fourni des flyers qui ne sont pas lus car perçus comme ennuyeux par le format papier, voire anxiogènes par le patient et sans possibilité d’interaction. Le patient se retrouve alors seul à chercher des informations, et se tourne vers les réseaux sociaux et internet, ce qui est problématique.
Afin de retrouver le contrôle de l’information diffusée au patient et l’accompagner dans ses recherches, il faudrait que le médecin ait les ressources nécessaires pour prescrire à ses patients des outils digitaux et des sources validés. Mais pour tout cela, il faut impliquer toutes les parties prenantes du parcours de soins.
Guillaume Bonnaud est très clair : « Il faut que les professionnels de santé fassent des efforts pour connaitre les outils, se les approprier et pouvoir les prescrire. Actuellement la seule ressource qui a été validée est la consultation d’annonce digitalisée proposée par l’AFA. Or, quand on interroge les médecins sur ce qu’ils sont prêts à déléguer comme missions, la consultation d’annonce n’apparait pas. Elle est jugée comme importante et comme un moment où les médecins ont une très forte valeur ajoutée à apporter, dans le cadre du colloque singulier avec leur patient. Ils ne souhaitent en aucun cas la déléguer à un outil digital. Ce qui nous amène à nous retrouver avec un outil fabriqué par une association de patient là où les médecins jugent que ce n’est pas la place d’un outil digital. L’association a souhaité répondre par le digital à un besoin des patients non couvert, alors que les organismes payeurs doivent répondre en validant la prise en charge d’une consultation médicale d’annonce physique ! ».
La délivrabilité d’un contenu validé n’est donc pas diffusante. Il faut réussir à conserver une proximité avec le patient, en lui proposant des options d’interactions telles qu’une visioconférence avec un médecin ou un coaching avec une infirmière. Il faut réussir à trouver le point d’équilibre entre les différents formats tout en conservant un lien avec le présentiel. Le digital doit augmenter le lien avec les patients et ne pas s’y substituer.
Un décalage entre demande et utilisation
Pour le Dr. Bonnaud, il existe bien un décalage entre la forte demande d’outils digitaux et la très faible utilisation au quotidien des outils existants. Ce paradoxe provient d’un manque de moyens : contrairement aux États-Unis où les patients sont prêts à payer pour des outils, la France n’en est pas à ce stade. Les outils existants n’arrivent pas à lever de fonds pour communiquer et il est très difficile de trouver des investissements pour développer de nouvelles ressources.
Certains laboratoires commencent à soutenir les outils digitaux et à s’impliquer davantage en allant vers des formules « médicament-service ». C’est très éthique de la part des industriels du médicament de souhaiter proposer des solutions pour des interventions de soins non médicamenteuse. Il s’agit d’aller au-delà de la simple distribution du médicament en apportant un service aux patients. Mais de nombreux efforts restent encore à fournir.
A l’issue de notre rencontre, le Dr. Bonnaud a tenu à adresser un dernier message à ses confrères « Le digital doit être perçu comme une valeur ajoutée organisationnelle à notre pratique, mais il ne doit pas nous rajouter un fardeau. Avec les logiciels médicaux nous avons eu tendance à subir car ce sont des logiciels qui nous ont été imposés, sur des objectifs principalement de gestion administrative. En s’engageant dès le début dans la construction de nos ressources, nous avons la possibilité de devenir acteur et de développer des outils ayant une vraie valeur ajoutée pour nos pratiques centrées sur le soin et la proximité du lien avec les patients. Mais pour en arriver là il faut un vrai engagement de la part des professionnels de santé ».
Alice Moreau-Gely
Source : Bonnaud G, Haennig A, Altwegg R, Caron B, Boivineau L, Zallot C, Gilleta de Saint-Joseph C, Moreau J, Gonzalez F, Reynaud D, Faure P, Aygalenq P, Combis JM, Peyrin-Biroulet L. Real-life pilot study on the impact of the telemedicine platform EasyMICI-MaMICI® on quality of life and quality of care in patients with inflammatory bowel disease. Scand J Gastroenterol. 2021 May;56(5):530-536. doi: 10.1080/00365521.2021.1894602. Epub 2021 Mar 10. PMID: 33691075.
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